DRONES
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Le développement des applications civiles
Le domaine des applications civiles des drones est beaucoup plus récent que celui des applications militaires. Il en diffère, à ce jour, puisque, pour des contraintes de réglementation et de coût, les opérateurs civils n’utilisent que des drones de petite taille. Un recensement, établi en 2013 par la F.P.D.C. auprès des opérateurs français, a montré que 76 p. 100 des drones utilisés dans le domaine civil sont à voilure tournante, essentiellement multirotors ; 20 p. 100 sont à voilure fixe, de type avion, et 4 p. 100 sont des ballons et dirigeables.
Autre différence avec les drones militaires, dans le secteur civil, les fabricants de véhicules aériens, les constructeurs de systèmes de drones, les opérateurs, les télépilotes ne relèvent généralement pas des grands industriels de l’aéronautique, mais plutôt de petites, voire de très petites entreprises.
Par ailleurs, un autre domaine de drones se développe, celui des drones-jouets qui ont des performances et des coûts bien plus modestes que ceux des drones professionnels. Ils ne peuvent se comparer qu’aux microdrones de masse très faible (de l’ordre de 1 à 2 kg). Ils font l’objet d’une réglementation spécifique, celle des aéromodèles. Mais compte tenu de la rapidité des progrès techniques dans ce domaine, il deviendra nécessaire de se préoccuper des performances des futurs drones-jouets et probablement d’en renforcer la réglementation.
Marchés et applications
L’utilisation des drones civils croît rapidement. Ils inspirent et stimulent des développements et autres innovations à divers endroits de la planète : de multiples applications sont déjà répertoriées, de nouvelles ne cessent d’apparaître, et il est difficile d’anticiper avec précision leurs évolutions. La frontière entre les applications réelles et potentielles évolue rapidement.
Si le marché est aujourd’hui, à plus de 80 p. 100, centré sur le domaine audiovisuel, en particulier avec les prises de vues utilisées dans la plupart des émissions de télévision (documentaires, magazines, épreuves sportives, etc.), il évolue vers la fourniture de données et de diagnostics couvrant des domaines variés tels que :
– la surveillance des grands réseaux (voies ferrées, oléoducs, gazoducs, lignes électriques, etc.), pour des raisons techniques ou pour détecter des intrusions ;
– l’agriculture et l’environnement, pour évaluer la vigueur des cultures et la présence éventuelle de maladies, pour surveiller les risques d’incendie dans les grands massifs forestiers, pour ensemencer et épandre les produits phytosanitaires dans les pays où ces pratiques sont autorisées (par exemple au Japon), etc. ;
– le diagnostic de l’état des bâtiments, constructions et ouvrages d’art (immeubles, ponts et viaducs, barrages, éoliennes…) ; le diagnostic automatique des performances énergétiques des maisons et immeubles ; l’inspection des panneaux solaires sur des fermes photovoltaïques, etc.
– la cartographie et la surveillance des chantiers, des carrières, des mines.
Alors que la plupart des passionnés s’intéressent avant tout aux caractéristiques des véhicules volants, ce sont les résultats traités et directement exploitables avec efficacitéparla chaîne d’acquisition-traitement, capable notamment de diagnostic automatique,qui intéressent désormais les clients finaux. Le développement et la réussite économique des drones dépendront de la capacité à satisfaire cette demande.
Grâce à leur légèreté, leur souplesse et leur facilité de mise en œuvre, les systèmes de drones peuvent offrir des performances et une qualité supérieures à celles qui sont obtenues avec les moyens actuels (hélicoptères, avions légers, satellites). Ils peuvent aider à produire plus et mieux, et parfois moins cher.
Réglementation
Pour garantir un bon départ des activités commerciales, il est indispensable de préciser un cadre permettant l’utilisation, en toute sécurité, des aéronefs télépilotés dans l’espace aérien. Tous les pays concernés, en particulier les pays européens, s’efforcent de mettre au point une réglementation commune.
Ainsi, en France, la Direction générale de l’aviation civile (D.G.A.C.) a défini, dès avril 2012, quatre scénarios permettant de préciser les règles à adopter pour chaque type de mission :
– scénario S1, se déroulant en vue du télépilote, à une distance horizontale de moins de 100 mètres de celui-ci et à une hauteur de vol inférieure à 150 mètres, dans une zone non peuplée et avec un drone de moins de 25 kg ;
– scénario S2, s’opérant hors de vue du télépilote, à une distance de moins de 1 000 mètres de celui-ci et à une hauteur de vol de moins de 50 mètres, hors zone peuplée, et avec un drone de moins de 25 kg ; une autorisation particulière est nécessaire pour ce type de vol ;
– scénario S3, effectué en vue du télépilote, à une distance de moins de 100 mètres de celui-ci et à une hauteur de vol de moins de 150 mètres, en agglomération ou à proximité de personnes ou d’animaux (avec autorisation) et avec un engin de moins de 4 kg, disposant d’un dispositif limitant l’énergie à l’impact en cas de chute (parachute, par exemple) ;
– scénario S4, relevant d’un vol hors de vue du télépilote, à une distance de plus de 1 000 mètres de celui-ci et à une hauteur de vol de moins de 150 mètres, hors zone peuplée, et avec un engin de moins de 2 kg ; ce type de mission demandant une autorisation particulière.
Les scénarios S1 et S3 sont les plus simples et relèvent du pilotage à vue, pour des applications telles que l’audiovisuel ou l’inspection d’ouvrages. Les scénarios S2 et S4, plus complexes, avec du pilotage hors de vue, concernent des opérations techniques relatives à de grandes surfaces ou qui s’étendent sur de grandes distances.
Les interrogations liées à l’utilisation des drones
En 2014 et 2015, en France, la presse a fait état de vols de petits drones inconnus au-dessus de centrales nucléaires, de zones militaires interdites ou de quartiers de Paris. Une certaine inquiétude est apparue… probablement semblable à celle qu’a ressentie une partie de la population au milieu du xixe siècle lors de l’apparition du premier train, ou à la fin de ce même siècle avec les premières automobiles. Dans un cas comme dans l’autre, il a fallu alors créer une réglementation spécifique, une signalisation adaptée, un code de conduite, un permis de conduire, tous ces éléments à la base de l’extraordinaire développement de ces moyens de transport. À une échelle plus modeste, il devra en être de même pour accompagner le développement harmonieux de ce secteur de l’aviation civile.
Afin d’assurer la sécurité et de faciliter les échanges commerciaux internationaux, les réglementations existantes devront être développées et harmonisées en Europe et dans le monde pour couvrir l’ensemble des drones, des plus petits aux plus gros, et accéder à des domaines de vol plus larges (plus loin, plus haut, plus lourd) pour certains scénarios. Ces futures réglementations devront rester souples, adaptatives et proportionnées aux risques qui découlent de la combinaison masse du véhicule-scénario d’emploi. Les organismes internationaux tels que l’Agence européenne de la sécurité aérienne (A.E.S.A.), la Federal Aviation Administration (F.A.A.) aux États-Unis et l’Organisation de l’aviation civile internationale (O.A.C.I.) se penchent sur ces problèmes ; ainsi, les travaux concernant la réglementation avancent au sein des groupes de travail internationaux tels que J.A.R.U.S. (Joint Authorities for Rulemaking on Unmanned Systems) auxquels les États-Unis sont associés.
Une culture du « retour d’expérience » doit être développée chez les opérateurs comme chez les constructeurs. En France, le télépilote d’un drone doit déclarer à la Direction de la sécurité de l’aviation civile tout événement qui aurait pu mettre en cause la sécurité des tiers : défaillance des mécanismes, perte de la liaison de commande et de contrôle de l’aéronef, etc. Cette culture est indispensable à l’établissement de la confiance entre les autorités, les donneurs d’ordre, les assureurs et les investisseurs.
L’amélioration de la sécurité est primordiale, car des accidents avec victimes freineraient durablement l’expansion de ce secteur.
Les responsabilités vis-à-vis du respect de la vie privée, des risques liés à la sûreté (attentat) et à la sécurité (accident) doivent être claires, ce qui implique de définir des règles et un cadre juridique définissant les infractions et les peines encourues.
Les facteurs de progrès
Dans de nombreux pays, des recherches et des développements sont conduits pour accroître les capacités des futurs drones civils, mieux répondre aux besoins des clients, et, à l’avenir, pour leur permettre de s’intégrer sans difficulté dans la circulation aérienne générale.
Des progrès sont attendus dans la miniaturisation des équipements électroniques grâce à l’emploi des matériels développés en très grande série pour le secteur de la téléphonie mobile.
La satisfaction des besoins des clients passera par l’obtention de données plus précises, accessibles rapidement, ce qui suppose des progrès dans les matériels et les logiciels : par exemple, pour redresser les images, les corriger, superposer différentes bandes spectrales…
Pour que les drones puissent s’intégrer en toute sécurité dans la circulation aérienne générale, des recherches sont menées pour mettre au point des systèmes automatiques embarqués leur permettant de détecter les autres véhicules aériens et de les éviter (systèmes detectand avoid), ainsi que des équipements permettant au contrôle aérien de traiter de la même façon un drone et un avion de ligne.
Le traitement des données, bien que spécifique à chaque type de travail aérien, pourra être mis en synergie avec ce qui se fait dans l’aéronautique, le spatial et l’automobile, notamment au niveau de l’intégration des capteurs, du traitement de la chaîne image et de la fusion des données.
La formation des télépilotes et des opérateurs est à améliorer en mettant en place, d’une part, une formation théorique incluant les spécificités des drones par rapport aux autres aéronefs (U.L.M., avions, hélicoptères…) et, d’autre part, une formation pratique construite en fonction des différents scénarios, plus cadrée pour les petits drones en vol à vue, et adaptée pour les drones en vol hors de vue.
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Écrit par
- Philippe CAZIN : haut conseiller à l'Office national d'études et de recherches aérospatiales, membre de l'Académie de l'air et de l'espace
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