DU BOS abbé JEAN-BAPTISTE (1670-1742)
Après des études en théologie à Beauvais, sa ville natale, Jean-Baptiste Du Bos s'établit à Paris. Son mérite l'ayant fait bientôt remarquer, il remplit diverses missions diplomatiques. Il est principalement connu pour ses écrits, les Réflexions critiques sur la poésie et la peinture (1734) et une Histoire critique de l'établissement de la monarchie française dans les Gaules (1719, 2 vol.).
Réflexions critiques sur la poésie et la peinture : l'association des deux arts sous ce titre n'étonne pas, car elle est de rigueur depuis l'Antiquité. Le ut pictura poesis d'Horace est devenu un thème que tous les auteurs d'esthétique reprennent sans se lasser jusqu'à la fin du xviiie siècle (Lessing, Laocoon ou les Limites respectives de la poésie et de la peinture, 1763) et même au xixe siècle. Peinture et poésie sont deux arts d'imitation qui ont une analogie profonde, l'un représentant les objets, l'autre racontant les événements, les actions. La peinture décrit, la poésie suggère. Le peintre exécute, le poète invente. Selon Du Bos, il est intéressant, pour les rapprochements possibles, d'examiner ensemble les « deux arts que l'on compte parmi les plus beaux ornements des sociétés polies ».
L'abbé Du Bos a voulu « expliquer l'origine du plaisir que nous font les vers et les tableaux » et montrer « ce qui se passe en lui-même, en un mot les mouvements les plus intimes de son cœur [...]. Un livre qui, pour ainsi dire, déploierait le cœur humain dans l'instant où il est attendri par un poème, ou touché par un tableau, donnerait des vues très étendues et des lumières justes à nos artisans sur l'effet général de leurs ouvrages qu'il semble que la plupart d'entre eux ait tant de peine à prévoir. »
Il se consacra à la critique « psychologique », qui se propose d'expliquer, par une analyse de l'âme du lecteur, du spectateur ou de l'auditeur, les impressions faites par les œuvres d'art, et à la critique « scientifique », qui tâche d'expliquer, par l'examen de l'esprit de l'artiste, la création même de ces œuvres. S'il répond en classique aux questions qu'il pose sur la fonction de l'art, le rôle de l'imitation (« nous émouvoir »), le choix des sujets, la vraisemblance, la composition, l'essence de la beauté d'un tableau et d'un poème, il exprime des idées nouvelles sur la création artistique : celle-ci dépend des conditions physiques, sociales et morales. « Grâce à Du Bos, écrit Marcel Braunschvig, deux idées vont de plus en plus clairement se faire jour en critique : c'est d'abord qu'en vertu de la liaison de l'âme et du corps les qualités et défauts d'un artiste dépendent, en grande partie, de sa constitution physique ; et c'est ensuite qu'en vertu des liens qui rattachent l'homme au reste du monde la constitution physique d'un artiste et, par conséquent, ses facultés intellectuelles sont soumises à de multiples conditions extérieures, en particulier à des conditions climatériques. »
L'abbé Du Bos fut donc, au xviiie siècle, le premier théoricien d'art qui exposa cette idée que le beau est lié à la personnalité de l'artiste, et non à des formules d'esthétique. À Du Bos revient encore le mérite d'avoir contribué à la formation d'une théorie générale de la « correspondance des arts », théorie qui animera l'évolution des moyens d'expression des arts en Europe depuis le romantisme jusqu'à nos jours. Devançant Voltaire et Diderot, l'auteur des Réflexions critiques deviendra le véritable novateur de la critique d'art. La nouveauté de son ouvrage était considérable. On sait que Stendhal (cf. La Vie de Henri Brulard) fut fortement[...]
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Écrit par
- Arnauld BREJON DE LAVERGNÉE : conservateur en chef du musée des Beaux-Arts de Lille
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