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DU DRAGON À L'EMPEREUR : TRÉSORS ARCHÉOLOGIQUES DE LA CHINE (expositions)

Deux expositions, aussi remarquables l'une que l'autre, ont été montrées à Paris, à la Cité de la musique (21 novembre 2000-25 février 2001) et au Petit Palais (2 novembre 2000-28 janvier 2001), permettant au public d'apprécier certains aspects de la civilisation chinoise qui lui sont encore peu connus.

Les expositions archéologiques chinoises se sont multipliées. En les « prêtant » contre monnaie sonnante et trébuchante, la Chine veut faire fructifier son capital culturel, au risque parfois de mettre les œuvres en péril.

Avides de drainer le plus large public possible sur des sujets encore peu exploités, les institutions françaises, quant à elles, répondent, comme leurs homologues étrangères, à un objectif plus ambigu : satisfaire une curiosité réelle du public pour cette civilisation, mais sans trop le perturber dans ses goûts. Pour séduire ce dernier, les pièces sont choisies en général pour leur beauté ou pour leur caractère spectaculaire, plutôt que pour les questions de tous ordres qu'elles posent.

La plus originale des deux expositions de Paris, La Voix du dragon, centrée sur les instruments de musique, en particulier les cloches, débordait du cadre strict de ce domaine. En effet, plusieurs pièces de mobilier de la tombe du marquis Yi de Zeng (vers 433 avant notre ère), dont le cercueil en bois laqué du prince, furent exposées.

Dans l'évolution des cloches, retracée jusqu'à la dernière dynastie des Qing (1644-1911), l'Âge du bronze représente la période la plus intéressante. On observe alors deux phénomènes étonnants. Les anciens Chinois mirent au point vers 1300 avant J.-C. des cloches de section ovale et sans battant, capables de rendre, selon le point de frappe choisi, deux sons différents que sépare en général une tierce mineure ou majeure. De larges ensembles de cloches furent ainsi constitués. Puis la technique de fabrication de ces cloches, instruments du rituel pour les élites dirigeantes, s'est perdue en un temps très bref vers le ive siècle avant J.-C., au moment même où l'ordre aristocratique traditionnel se voyait remis profondément en question. Il fallut attendre la fouille de la sépulture du marquis de Zeng en 1978 pour comprendre ce que ces cloches avaient de particulier. Elle révéla en effet la présence d'un carillon de soixante-cinq cloches, sur lesquelles figurent les noms des deux notes qu'on peut en tirer, à l'endroit même qu'il faut frapper. Des mesures acoustiques ont montré que le carillon couvrait trois octaves en continu, et que l'octave était déjà divisée, comme en Occident, en douze demi-tons.

La seconde exposition, La Gloire des empereurs, n'avait pas de thème bien défini. Elle montrait plusieurs facettes de la civilisation chinoise à partir de découvertes faites dans trois provinces (Shaanxi, Henan et Mongolie-Intérieure). Elle réunissait donc une collection de chefs-d'œuvre couvrant un peu plus de deux mille ans, de la fin de la dynastie Shang (env. 1450-env. 1050 av. J.-C.) à la dynastie des Liao (916-1125). Son titre faisait référence aux empereurs, alors que l'empire ne fut créé qu'en 221 avant notre ère. Cet à-peu-près caractérise assez bien ce qu'on offre en France au grand public dans le domaine chinois, mais aussi ce que ce public attend trop souvent de telles expositions, un exotisme de bon aloi.

L'époque préimpériale était représentée par près de la moitié des pièces de l'exposition, qui offrait ainsi un aperçu assez complet de l'art du bronze, depuis les premiers chefs-d'œuvre du xive siècle avant J.-C. jusqu'aux ultimes créations de l'époque des Royaumes combattants (481-221 av. J.-C.). Le choix des pièces permettait de comprendre les contrastes ou les nuances qui opposent les productions de la Chine centrale à celles des régions du Sud (royaume de Chu) ou[...]

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Écrit par

  • : directeur d'études émérite à l'École pratique des hautes études, section des sciences historiques et philologiques, membre de l'Institut

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