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DU SERF ARBITRE, Martin Luther Fiche de lecture

Luther - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Luther

Contre les pélagiens qui insistaient sur la volonté humaine pour l'obtention du salut, saint Augustin avait déjà rappelé au début du ve siècle que la perfection de l'homme ne peut provenir que de la grâce de Dieu, reçue comme un don de sa miséricorde, et qu'elle ne saurait être obtenue « par le libre ou plutôt le serf arbitre de la volonté propre » (Contre Julien, II, 8, 23). Cette question retrouve toute son acuité avec la Réforme, onze siècles plus tard. En 1524, Érasme publie un traité, qu'il qualifie de diatribe, précisément intitulée Du libre arbitre. L'humaniste, qui ne tient pas, en dépit de son estime pour Luther, à compromettre sa position dans l'Église romaine, y affirme que la volonté de l'homme contribue efficacement à son salut. L'année suivante, en décembre 1525, Luther publie en réplique De servo arbitrio (Du serf arbitre), inaugurant ainsi la querelle moderne sur la grâce, qui divise encore les confessions chrétiennes aujourd'hui.

La question du salut

Érasme était resté prudent. Après voir rappelé la valeur de la tradition qui vient des Pères de l'Église, il relevait leurs opinions pour ou contre le libre arbitre, concluant que l'action humaine est associée à celle de la grâce de Dieu pour la conquête du salut de l'homme. Luther combat Érasme sur deux fronts. En premier lieu, selon lui, prétendre que l'homme collabore par sa volonté à son salut, cela revient à dire que l'œuvre divine, qui culmine dans l'obéissance du sacrifice du Christ sur la croix, ne suffit pas. En second lieu, l'homme qui serait ainsi invité à participer à son salut, courrait le risque de rester toujours insatisfait et par conséquent sans assurance, incapable de trouver la paix dans sa conscience. S'appuyant sur la Bible, Luther entend démontrer que le libre arbitre, défini par Érasme comme étant « la force de la volonté humaine telle que par elle l'homme puisse s'attacher aux choses qui conduisent au salut éternel ou se détourner de celles-ci », n'existe pas. Pour lui, le salut n'est en rien la conséquence de ce que l'être humain saisirait Dieu, mais au contraire de ce que Dieu saisit l'être humain et par son Saint-Esprit change sa volonté. En sorte que cet homme qui volontairement et de son plein gré faisait le mal, sans contrainte (sinon – Luther reprend ici encore le vocabulaire augustinien – il s'agirait de nolonté et non point de volonté), maintenant, tout aussi volontairement et de son plein gré, veut et fait ce que Dieu veut. Luther utilise l'image de la bête de somme, qui selon celui qui la monte, va de-ci ou de-là ; pour que notre volonté aille là où Dieu veut qu'elle aille, il faut que ce soit lui qui la mène. En corollaire à cette affirmation reste posée la question de la prédestination. C'est Dieu en effet qui choisit de sauver l'être humain. Et s'il ne faisait pas ce choix ? Luther, qui n'élude pas le problème, propose de s'en tenir davantage à l'Évangile, qui proclame que ce que Dieu a manifesté en Jésus-Christ, c'est le salut des hommes : voilà quelle doit être la certitude de tous !

Ce que blâme essentiellement Luther, c'est le caractère timoré, qui pourrait presque passer pour de l'incertitude, d'un Érasme qui dans son for intérieur comprend et peut-être même agrée l'œuvre de réforme entreprise, mais qui par convention ou pusillanimité se range aux décrets de l'Église romaine. Pour le réformateur, toute la confiance du chrétien doit être placée dans les affirmations de l'Écriture gravées par le Saint-Esprit dans son cœur. Il convient certes que certains textes bibliques sont parfois obscurs et d'interprétation difficile. Cela ne tient toutefois pas à eux-mêmes, mais à la mauvaise connaissance qu'a le lecteur des mots et de la grammaire, et les passages plus[...]

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Écrit par

  • : pasteur de l'Église luthérienne, professeur à la faculté de théologie protestante de Paris et à l'École des langues et civilisations de l'Orient ancien

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Média

Luther - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

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Autres références

  • ÉRASME (1467 env.-1536)

    • Écrit par
    • 6 209 mots
    • 1 média
    ...théologique, la possibilité pour l'homme de collaborer avec Dieu à son propre salut sans qu'il y ait une opposition radicale entre les œuvres et la foi. Dans la riposte cinglante de son De Servo arbitrio (1525), Luther accuse Érasme de scepticisme, de laxisme et d'impiété, opposant aux thèses de l'humaniste...
  • LUTHER MARTIN (1483-1546)

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