DUALISME
Le nom de dualisme est donné à des doctrines suivant lesquelles on ne peut expliquer les choses en général, ou certaines catégories de faits, qu'en supposant l'existence de deux principes premiers et irréductibles. On distingue souvent le dualisme cosmologique, qui consiste à penser que le monde est dominé par le concours, ou l'alternance, ou l'opposition perpétuelle de deux causes primordiales ; le dualisme métaphysique, qui pose l'existence d'une réalité transcendante par rapport au monde sensible ; le dualisme anthropologique, qui explique les faits humains par la présence, dans l'homme, de deux réalités irréductibles : l'âme et le corps, ou la raison et les passions, ou la liberté et la nécessité ; le dualisme épistémologique, qui représente la connaissance comme dépendant de deux genres d'être : le sujet et l'objet ; le dualisme éthique, qui oppose le devoir à la sensibilité. Il est clair que ces divers dualismes ne sont pas sans liens entre eux. Le dualisme anthropologique est en même temps métaphysique ; il a aussi des conséquences cosmologiques, car distinguer deux principes dans l'homme, c'est distinguer deux principes dans l'univers. Le dualisme épistémologique et le dualisme éthique ont évidemment des rapports avec le dualisme anthropologique auquel ils servent souvent d'arguments. Peut-être faudrait-il distinguer seulement un dualisme ontologique, qui comprendrait les dualismes cosmologique, anthropologique et métaphysique et un dualisme critique, qui comprendrait les dualismes épistémologique et éthique. Le dualisme critique a pu servir d'argument au dualisme anthropologique, mais il ne lui est pas exactement identique. La supposition de deux principes y est donnée comme un postulat de l'action et de la connaissance, mais non comme nécessairement valable pour l'être en soi.
Quoi qu'il en soit, il faut surtout distinguer l'emploi du mot « dualisme » en histoire des religions et en histoire de la philosophie, car ce n'est pas au même genre de doctrine qu'il s'applique dans ces deux domaines. Ce mot fut d'abord employé en histoire des religions. C'est Thomas Hyde qui a forgé le terme dualistae, dont il se sert dans son Historia religionis veterum Persarum (1700) pour désigner les hommes qui regardent Dieu et le Diable comme coéternels. Bayle l'introduisit en français ; il s'en sert, de même que Leibniz, dans le même sens que Hyde. Christian Wolff, le premier, l'appliqua aux philosophes qui considèrent l'âme et le corps comme des substances distinctes (Psychologia rationalis, § 39, 1734). Il en est résulté un double usage : c'est dans le sens de Wolff que le mot « dualisme » est généralement employé par les historiens de la philosophie, tandis que chez les historiens des religions il a ordinairement gardé le sens qu'il avait chez Hyde.
Ce mot désigne donc traditionnellement deux genres de doctrines. D'une part, il désigne des religions telles que le mazdéisme de l'Avestapostgâthique et des écrits pehlevis ; d'autre part, des philosophies telles que le cartésianisme. Ce sont là, comme on voit, des doctrines très différentes et dont on pourrait même tirer des conséquences opposées. Par exemple, le dualisme âme-corps, ou esprit-matière, pourrait conduire à nier l'existence d'un esprit pur qui serait mauvais (le Diable), et même celle d'un principe mauvais. La matière n'est pas mauvaise en elle-même pour les philosophes dualistes, et un esprit pur peut difficilement être mauvais pour ceux qui regardent le mélange confus de l'esprit et de la matière, ou le renversement de leur hiérarchie légitime, comme la cause de l'erreur et, par là, du mal.
À ces deux espèces principales de dualisme, il faut ajouter une troisième : le « dualisme[...]
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Écrit par
- Simone PÉTREMENT : agrégé de l'université, conservateur honoraire à la Bibliothèque nationale
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