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DUALISME

Le dualisme en philosophie

Philosophie occidentale

Les pythagoriciens, qui sont peut-être les plus anciens philosophes d'Occident (car les Ioniens étaient des physiciens), sont aussi, semble-t-il, les premiers qui puissent être appelés dualistes. D'une part, ils enseignaient que toutes choses sont composées de contraires : un et multiple, limité et illimité, impair et pair, masculin et féminin, repos et mouvement, lumière et obscurité, bien et mal... D'autre part, ils distinguaient l'âme du corps, comme le montre leur théorie de la métempsycose et la formule qui leur est attribuée aussi bien qu'aux orphiques : « Le corps est un tombeau. »

Le dualisme des contraires est la forme la plus faible du dualisme, car les contraires sont corrélatifs et par conséquent inséparables. Héraclite, en montrant l'unité des contraires, semble combattre le dualisme pythagoricien. Parménide aussi paraît s'y opposer, mais d'une autre façon, lorsqu'il affirme que seul l'un, l'indivisible, l'immobile, l'éternel est véritablement.

Empédocle, au contraire, conserve et accentue les deux formes du dualisme pythagoricien. Le monde, pour lui, est dominé tour à tour par deux principes contraires, l'Amour et la Haine, le principe de l'Un et le principe du Multiple. D'autre part, il paraît opposer fortement l'âme au corps lorsqu'il décrit une âme tombée du monde des dieux et pleurant de se voir dans un lieu inaccoutumé.

Anaxagore, lui aussi, distingue deux sortes d'êtres : d'un côté, les éléments en général, mélanges où tout est dans tout ; de l'autre, l'entendement (le Noûs), qui seul est à part, seul est pur et sans mélange et qui, étant venu dans le chaos des éléments, l'a mis en ordre.

Platon n'est pas dogmatique ni systématique, et la forme de son enseignement est telle qu'il a pu être compris de façons diverses. Cependant, il n'est pas douteux qu'il veut faire admettre l'existence de l'âme indépendamment du corps, et celle de l'intelligible indépendamment du sensible. Il est vrai que le sensible, pour lui, n'est pas véritablement ; c'est l'intelligible, l'Idée, qui est proprement l'être. Cependant, le sensible a un support, l'espace, et celui-ci semble lié à la nécessité. Selon le mythe du Timée, le monde a été produit par deux causes : la cause intelligente (le Démiurge) et la cause nécessaire. L'intelligence a « persuadé » la nécessité d'orienter « la plupart des choses » vers le bien, mais ces expressions mêmes montrent que son pouvoir n'est pas sans limite (Timée, 47e53 b). Dans La République(379 b-380 c), Socrate dit que Dieu n'est pas cause de tout, mais du bien seul. Cela ne pourrait signifier que Dieu est cause de tout que si tout était bien ; or, dans le Théétète(176 a), Socrate affirme : « Il est nécessaire qu'il y ait toujours quelque chose de contraire au bien. »

Ce qui montre surtout qu'il y a pour Platon deux réalités profondément différentes, c'est que pour lui une conversionest nécessaire. Il dit qu'il faut se détourner « avec l'âme tout entière » des choses qui passent (République, 518 c).

On a parfois mis en rapport le platonisme et le zoroastrisme. Mais le dualisme platonicien est d'une autre espèce que celui de Zoroastre. Le mal, pour Platon, a pour cause l'ignorance produite dans l'âme par l'union de celle-ci avec le corps. L'âme mauvaise dont il parle dans Les Lois ne semble pas être une âme cosmique, et dans Le Politique il repousse l'idée que le monde pourrait être conduit par deux divinités dont les volontés s'opposeraient.

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Écrit par

  • : agrégé de l'université, conservateur honoraire à la Bibliothèque nationale

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