DUCCIO DI BUONINSEGNA (1255 env.-env. 1318)
La « Maestà »
« Mater Sancta Dei – Sis causa Senis requiei – Sis Ducio vita – Te quia depinxit ita » (« Sainte Mère de Dieu, donne la paix à Sienne et la vie à Duccio qui t'a peinte ainsi »). De cette prière le peintre signa la Maestà destinée à la cathédrale de Sienne ; commencée en 1308, elle fut transportée en 1311 de l'atelier du peintre au maître-autel de l'église, au cours d'une cérémonie solennelle et au milieu de la liesse populaire. Conçue pour s'intégrer aux structures architecturales qui devaient l'accueillir, elle était peinte sur les deux faces : sur la face antérieure était représentée la Vierge avec l'Enfant parmi un chœur d'anges et de saints, de l'autre côté on voyait les scènes de la Passion. Elle était complétée par une prédelle illustrant l'enfance et la vie publique du Christ et par un couronnement dont la reconstitution est problématique. L'œuvre a été en effet sciée par le milieu et démembrée à la fin du xviiie siècle ; elle est conservée actuellement au musée de l'Œuvre de la cathédrale, mais quelques panneaux de la prédelle et du couronnement sont dispersés dans les collections d'Europe et d'Amérique ou perdus. L'importance attribuée à l'événement, l'enthousiasme populaire où le sentiment religieux se mêlait à l'admiration pour le chef-d'œuvre, révèlent, mieux que tout autre commentaire, la perspective historique dans laquelle se situe l'art de Duccio parvenu à sa pleine maturité. Si l'acceptation publique et officielle d'un langage nouveau fut si totale et si immédiate, c'est parce qu'elle se fit dans le respect d'une tradition trop enracinée pour être brutalement reniée. De l'art byzantin, Duccio conserve les schémas iconographiques et un certain nombre de formules figuratives, mais il ressuscite le caractère évocateur des premiers, change ou précise la fonction des secondes, dans une recherche consciente de définition stylistique. Ainsi, dans le tableau de la Vierge de majesté, la répétition de visages semblables permet d'évoquer la foule en adoration dans son anonymat extatique, alors que la valeur rythmique des gestes et des attitudes, la rigoureuse ordonnance des nimbes, les contours sinueux des draperies donnent une unité formelle à la juxtaposition des personnages. Dans les scènes de la Passion, le symbolisme conventionnel des thèmes sacrés se fond miraculeusement avec la participation émotive de l'artiste aux événements racontés et suscite une atmosphère lyrique dans laquelle chaque élément de la représentation évoque une dimension à la fois humaine et surnaturelle, qui précise et commente la situation spirituelle des protagonistes. La prédelle et le couronnement, exécutés en dernier, témoignent d'une évolution vers des formes plus grandioses et d'une certaine recherche plastique qui indique une réaction à l'enseignement de Giotto. Avec le retable no 47 de la Pinacothèque de Sienne, d'attribution toutefois incertaine, se conclut l'activité de Duccio, qui eut de nombreux élèves, tels Ugolino di Nerio, le Maître de Città di Castello, Segna di Bonaventura. Mais son influence s'exerce sur plus d'une génération, car il fonda à Sienne une nouvelle tradition picturale qui allait jouer, pendant plus d'un siècle, un rôle de premier plan dans l'histoire de la peinture européenne.
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Écrit par
- Gabriella RÈPACI-COURTOIS : historienne de l'art, collaboratrice technique du C.N.R.S.
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