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DUCHENNE DE BOULOGNE (exposition)

L'École nationale supérieure des beaux-arts de Paris a présenté du 26 janvier au 4 avril 1999 une exposition Duchenne de Boulogne réalisée à partir des clichés appartenant à l'École, qui poursuit ainsi l'exploitation de son très riche fonds d'où elle avait tiré en 1998 une extraordinaire série de dessins de Théodore Géricault.

Fils de corsaire, Guillaume Benjamin Amand Duchenne de Boulogne, né en 1806 à Boulogne-sur-Mer et mort en 1875, fut un grand médecin qui donna son nom à une myopathie. Il saisit l'intérêt que la photographie pouvait présenter pour la recherche médicale et pour l'étude de la physionomie humaine en particulier. C'est en 1862 que Duchenne de Boulogne publie Mécanisme de la physionomie humaine ou analyse électro-physiologique de l'expression des passions applicable à la pratique des arts plastiques, ainsi qu'un Album de photographies pathologiques complémentaire du livre intitulé De l'électrisation localisée. L'œuvre photographique de Duchenne, dont la réception subira des éclipses explicables par la personnalité de franc-tireur de son auteur, connut son plus grand succès à l'École des beaux-arts de Paris où Mathias Duval s'en fit l'introducteur dès sa nomination en 1873 comme professeur d'anatomie artistique.

On pourrait dire que l'art de Duchenne de Boulogne se situe au confluent de la méthode expérimentale de Claude Bernard et des spéculations plus illuminées que scientifiques du physiognomoniste Johann-Caspar Lavater. S'il retient du premier l'ambition d'établir des vérités scientifiques à partir d'expériences menées selon un protocole rigoureux, on ne peut s'empêcher de songer en voyant tous ces visages qui subissent passivement l'intervention d'un outillage perfectionné à la funeste postérité de l'expérimentation sur le vivant. Duchenne s'emploiera, il est vrai, à mettre au point des techniques de stimulation électrique indolores, la souffrance infligée au patient ayant le double inconvénient d'être un abus de pouvoir médical et de provoquer des rictus de douleur brouillant la lecture des physionomies.

Quant à l'œuvre des physiognomonistes, Duchenne la prend plutôt à rebrousse-poil. Celle-ci supposait l'unité profonde du sentiment, de l'émotion et de leur incarnation – les traits du visage permettant de lire à livre ouvert dans l'âme du sujet expressif. Duchenne procède à leur dissociation, encore que cette dernière soit peut-être depuis toujours au cœur même de l'appréhension plastique du visage, le tableau des expressions justement proportionnées d'un esprit sain tel que l'a dressé le peintre Charles Le Brun étant toujours exposé en fait au péril de la dislocation de ces rapports harmonieux telle qu'elle nous apparaît de façon poignante dans les Charakterköpfe (têtes de caractère) d'un Franz Xaver Messerschmidt. Duchenne obtient aisément un visage ému par le parfum d'une rose en l'absence de tout bouquet et il peut renoncer au concours des esprits infernaux pour rendre la physionomie cruelle de Lady Macbeth puisqu'une « contraction électrique moyenne du pyramidal du nez » suffit à cet effet.

Tout comme un metteur en scène peut visiter tout le répertoire des pièces de théâtre avec quelques comédiens de prédilection, Duchenne opérait avec un nombre restreint de sujets, tous recrutés en milieu hospitalier sans que l'hôpital apparaisse sur les photographies. Dans l'un des articles du très beau catalogue édité par l'École nationale supérieure des beaux-arts (ENSBA), Catherine Mathon note que pour la série de planches déposées aux Archives nationales sous le titre Mécanique de la physionomie, Duchenne a sélectionné deux petites filles au visage lisse à « la peau brûlée par le soleil.[...]

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