DUGHET GASPARD, dit LE GUASPRE ou GASPARD POUSSIN (1615-1675)
Lorsque sa sœur Anne-Marie épouse Nicolas Poussin, en 1630, le jeune Gaspard Dughet, Français de Rome, entre dans l'atelier du maître. Il y passe cinq années qui sont pour lui l'apprentissage d'une technique brillante et rapide qui étonnera les contemporains. C'est aussi le moment où se révèle à lui la beauté du monde antique qu'il découvre dans la campagne romaine. Il sera peintre de paysages. Sans être ni le premier — ni le plus grand — artiste à s'intéresser à la nature des environs de Rome, il acquiert très vite un excellent renom et multiplie les dessins, les esquisses à l'huile, les peintures qu'il achève en des temps records, faisant parfois une toile en un jour. Cet habile technicien du fa presto a laissé une œuvre où abondent les répliques et les variations sur un même thème, ce qui nuit parfois à la qualité picturale. Aussi est-il délicat de tenter un classement chronologique de ces œuvres. Il semblerait que les premiers paysages, qui accumulent les détails, soient très fidèles à la réalité. Puis l'interprétation de la nature devient plus sensible, plus « romantique » ont écrit les critiques modernes, avec des sites à la végétation dense et sombre, où le bouillonnement des cascades et la lumière fortement contrastée d'un orage menaçant confèrent une beauté puissante et inquiétante. Un tel lyrisme est voisin de l'art d'Elsheimer, de Paul Bril ou même de Salvator Rosa (cf. L'Ermite prêchant aux animaux, de Dughet, au musée du Prado à Madrid). Apprécié par la clientèle des aristocrates romains, Dughet est chargé de décorer le palais Doria-Pamphili de peintures à la détrempe représentant des paysages avec ruines, caractéristiques du goût de l'époque, et des scènes tirées de la réalité quotidienne à la manière de Jan Asselyn. La sensibilité de Dughet évolue vers un style plus proche de Poussin, rendant plus délicate l'harmonie des couleurs, plus simple et solide la composition des Cascades de Tivoli (coll. Wallace, Londres), un de ses chefs-d'œuvre. Le peintre avait le don de la synthèse ; si le rôle de Poussin a été pour lui déterminant, il n'en est pas devenu l'imitateur : la composition est moins « pensée », l'éclairage est toujours plus expressionniste et surtout le regard est neuf. Peintre des collines de Rome, il a souvent choisi des points de vue élevés qui lui permettaient de représenter un monde plus large. Un nom s'impose ici : celui de Claude Lorrain, le grand paysagiste vivant alors à Rome. L'éclairage de Dughet lui doit beaucoup. Comme Lorrain, il a parcouru la campagne dessinant de vivantes notations (conservées au Louvre, au British Museum, etc.). Dughet a été l'un des premiers peintres à animer les paysages d'effets atmosphériques dramatiques : le vent ou la tempête. On a pu voir dans son œuvre l'affirmation d'une tendance qui triomphe au siècle suivant et qui explique le grand succès qu'a connu celui qui s'est appelé Gaspard Poussin auprès des collectionneurs et des peintres anglais (Gainsborough).
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Écrit par
- Jean-Pierre MOUILLESEAUX : historien de l'art, chargé de mission à la Caisse nationale des monuments historiques et des sites
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