HOFFMAN DUSTIN (1937- )
Une remise en question de l'idéal américain
En 1969, après avoir obtenu les bonnes grâces du grand public avec John and Mary, de Peter Yates, histoire sentimentale et cette fois très convenable de la naissance d’un amour, Dustin Hoffman séduit les cinéphiles après le grand public en interprétant sous la direction d'Arthur Penn le Jack Crabb de Little Big Man (1970), ballotté de façon aussi drolatique que tragique entre les cultures indienne et blanche. Sans prendre de positions publiques comme Marlon Brando, Hoffman est néanmoins représentatif de l'Amérique des « années Vietnam », celles où les repères se perdent peu à peu et où l'on prend conscience de ne pas pouvoir maîtriser son destin, pas plus que le monde environnant. Ce qui n’empêche pas de déployer un maximum d'énergie « à corps perdu ». Hoffman et Little Big Man sont au cœur d'une remise en question de l'Amérique et de l'héroïsme américain – ici à propos du massacre des Indiens et de la « folie » du général Custer à Little Big Horn – qu'éclaire ensuite Les Chiens de paille (Straw Dogs, Sam Peckinpah, 1971). Dustin Hoffman y incarne un intellectuel américain pacifiste et timoré, qui doit recourir à la violence pour s'opposer à une brutalité sauvage et absurde. Le yuppie, mal à l'aise dans son cadre et son costume du Lauréat, retrouve malgré lui les origines complexes et ambiguës qui marquèrent la fondation de l'Amérique... Le David Summer des Chiens de paille, au départ si « civilisé », trouve son pendant dans le personnage de Lenny Bruce du film de Bob Fosse (Lenny, 1974) devenu un comique persifleur, cynique et désespéré.
Un peu à la manière de Robert de Niro, Dustin Hoffman éprouve un plaisir répété et une facilité apparente à se glisser dans la peau des personnages les plus contradictoires. Il le prouve dans Tootsie, de Sydney Pollack (1982). La situation de départ, où l'acteur se travestit pour trouver un rôle – comme le faisaient Jack Lemmon et Tony Curtis dans Certains l’aiment chaud de Billy Wilder – prend un sens particulier dans l'Amérique marquée par le scandale du Watergate : de la différence des sexes à la légitimité des présidents, les valeurs les plus élémentaires sont affectées de doute. Dans Rain Man, de Barry Levinson (1989), Hoffman incarne un autiste qui se révèle calculateur prodige, interprétation qui lui vaut un second oscar, venant après celui obtenu pour son rôle de père devenu par force célibataire dans Kramer contre Kramer (Kramer vs. Kramer, 1979), de Robert Benton. C'est déjà une autre Amérique qui se profile à la fin de ces années 1970 : entre affairisme et femmes indépendantes (ici Meryl Streep), la tendresse dont fait preuve Ted Kramer face à son fils a bien du mal à rendre supportable la vie quotidienne. Dans les deux films se dessine un Dustin Hoffman dont l'action porte ses fruits, même s'il demeure dépassé par les événements. Entre-temps, il a interprété un rôle plus positif encore en incarnant, dans Les Hommes du président (All the President's Men, Alan J. Pakula, 1976), au côté de Robert Redford, l'un des deux journalistes du Washington Post dont l'enquête sur le Watergate provoqua la démission du président Nixon en août 1974.
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Écrit par
- Joël MAGNY
: critique et historien de cinéma, chargé de cours à l'université de Paris-VIII, directeur de collection aux
Cahiers du cinéma
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