DUTROCHET ET LA PHYSIOLOGIE CELLULAIRE
Le premier microscopiste ayant utilisé le mot « cellule » est le savant anglais Robert Hooke (1635-1703), qui désigna par ce terme les cavités présentes dans une coupe de tissu liégeux mort, par analogie avec les cellulesdes monastères. Le terme de cellule est resté utilisé dans cette même acception architecturale jusque pendant le premier tiers du xixe siècle, pour désigner par exemple les espaces creux dans l’os. D’autres microscopistes observèrent de vraies cellules, comme celles du tissu adipeux, mais sans les associer à une structure de base des êtres vivants.
Le premier énoncé d’une théorie cellulaire fut produit en 1824 par le médecin français Henri Dutrochet (1776-1847) dans son ouvrage Recherches anatomiques et physiologiques sur la structure intime des animaux et des végétaux et sur leur motilité. Au regard de ses expériences de dissociation chimique des organes et tissus et de leur observation microscopique dans différents milieux, Dutrochet concluait : « Nous avons observé que les plantes sont entièrement composées de cellules... ces cellules sont simplement contiguës et adhérentes les unes aux autres... » De même, ajoutait-il, « quand on examine sous le microscope les tissus du foie, des testicules ou ceux des glandes salivaires de l'escargot ou de la limace, on voit que ces tissus sécréteurs sont composés... de petits corps globulaires assemblés par cohésion ». Selon Dutrochet, la cellule n’est plus un élément d’une architecture statique, mais l’élément vivant à partir duquel tout tissu est constitué. Ainsi, tous les tissus, tous les organes des animaux sont en réalité du tissu cellulaire diversement modifié quant à son contenu. Trois ans plus tard, Dutrochet démontre par des expériences de variation de la taille et de la forme de cellules par changement de la composition saline de leur milieu que ces dernières possèdent une membrane les isolant du milieu extérieur.
Le caractère général des cellules, quel que soit l'être vivant étudié, plante ou animal, témoigne aux yeux de Dutrochet de l'existence chez le vivant de fonctions physiologiques communes, à l'échelle tissulaire. Il y voit les prémices d'une physiologie cellulaire, donc de la notion de cellule comme unité de vie.
Cependant, la théorie cellulaire de Dutrochet ne pénètre pas rapidement le monde scientifique, au contraire de ses expériences sur les flux osmotiques. Constituant de fait une ébauche, elle permettra des développements qui, de Matthias Jakob Schleiden à Theodor Schwann entre 1838 et 1839, conduiront à une forme aboutie avec Rudolf Virchow, en 1858.
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Écrit par
- Didier LAVERGNE : docteur en médecine
- Paul MAZLIAK : professeur honoraire de biologie cellulaire, université de Paris-VI-Pierre-et-Marie-Curie
Classification
Média