Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

DUX PIERRE MARTIN dit PIERRE (1908-1990)

Incarnation du comédien de haute race, tout en rigueur et en morale, en force et en pudeur retenue, Pierre Dux aura été à la scène française ce que John Gielgud fut au théâtre britannique.

Né en 1908 d'un père et d'une mère tous deux comédiens (le premier au théâtre de l'Odéon, la seconde à la Comédie-Française), cet enfant de la balle, formé à la double école du Conservatoire et des tournées organisées à la va-vite, a abordé tous les genres, tous les rôles. Du « boulevard » aux « classiques », de Beckett (Compagnie, 1982) à Duras (L'Amante anglaise, 1981), il interprète aussi bien le rôle-titre de Patate de Marcel Achard (1957) que celui de Méphisto dans Mon Faust de Valéry (1962), le Prospéro de La Tempête (1986) dans la mise en scène d'Alfredo Arias que le professeur de Jane Birkin dans Quelque part dans cette vie de Horovitz, pièce qu'il jouait encore quand la mort vint le surprendre, le 8 décembre 1990. Au cinéma, sa carrière aura été plus anecdotique, malgré Z de Costa-Gavras (1968) et des rencontres avec René Clair (Les Grandes Manœuvres, 1955) ou Michel Deville (La Lectrice, 1988). Et s'il devient un formidable Monsieur Abel sous la direction de Jacques Doillon, en 1983, c'est par le biais du petit écran. De fait, comme en témoigne le titre de son livre de souvenirs (Vive le théâtre, 1984), seule la scène est sa vraie vie. Et plus encore la Comédie-Française. Engagé en 1929 (il a vingt et un ans), sociétaire six ans plus tard, il y joue Molière et propose de grandes interprétations des rôles d'Alceste, Arnolphe, Argan. Il y crée aussi l'adaptation théâtrale de Monsieur Teste (1974) ou le rôle de l'« annoncier » du Soulier de satin (1943). C'est là encore qu'il signe ses premières mises en scène – Ruy Blas, Le Misanthrope, Le Légataire universel ou La Reine morte de Montherlant, qu'il fait entrer au répertoire.

Engagé sur la scène comme dans la vie – il fut résistant, commissaire du gouvernement à la Libération, en gaulliste convaincu, il siégea au comité central puis au conseil national du R.P.R. en 1976 –, Pierre Dux est surtout l'homme qui favorisa la régénérescence de l'antique Maison. Après un premier échec (nommé à la tête de la Comédie-Française juste après la guerre, il démissionne au bout d'un an), son retour, en 1970, dans le fauteuil d'administrateur général lui permet de mener à bien la mission qu'il s'était fixée. Réforme des statuts, création d'auteurs contemporains à l'Odéon (Grumberg, Pinget, Calaferte, Haïm...), invitation de grands maîtres étrangers (Terry Hands, Strehler...), ouverture à la jeune garde française (Vitez, Bourseiller, Lavelli...), révélation même d'une future star – Isabelle Adjani, inoubliable Agnès d'une École des femmes dont il fut l'Arnolphe (1973). En neuf ans de mandat, c'est à un véritable décapage que Pierre Dux se livra, dans un souci rigoureux d'éclectisme, en réussissant à trouver un juste équilibre entre audace et pondération, risque et classicisme.

— Didier MÉREUZE

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : journaliste, responsable de la rubrique théâtrale à La Croix

Classification