GROUPE DYNAMIQUE DE
Deux grands courants scientifiques abordent l'étude des petits groupes humains. Le premier applique un modèle emprunté aux sciences physiques, plus spécialement à l'électromagnétisme. Il définit le groupe comme un champ de forces qui s'exercent à l'intérieur d'une zone de liberté laissée par les institutions sociales. La conduite du groupe est la résultante de la combinaison de ces forces selon des lois psychosociologiques. L'inventeur de cette conception, Kurt Lewin, a pu déduire de la théorie générale du champ certaines lois particulières, par exemple : tout groupe fonctionne selon un équilibre quasi stationnaire et résiste à tout changement autre que des variations autour de cet équilibre. Ce modèle naturaliste a également permis à Lewin d'administrer, en laboratoire, sur des groupes artificiels, la preuve de ces lois. Un peu avant sa mort, néanmoins, Lewin abandonna ce modèle dont il avait vu les limites. Malgré l'engouement de ses successeurs et la diversité de leurs explorations théoriques et techniques, aucun modèle expérimental nouveau ne s'est imposé depuis. En revanche, les méthodes de formation « par le groupe » qui en sont issues se sont répandues en Occident.
Le second courant est d'inspiration psychanalytique. Sigmund Freud avait déjà montré que la cohésion d'un groupe provient de l'identification de ses membres au même « idéal du moi ». En Grande-Bretagne, ce courant, issu de Melanie Klein, a mis en évidence l'existence dans les groupes d'une double dimension, névrotique et psychotique. Par exemple, le groupe directif développe chez ses membres une attitude d'ambivalence envers l'autorité, tandis que la situation non directive provoque une régression plus archaïque, préœdipienne, avec des angoisses de morcellement, de persécution et de dépression qui sont d'ailleurs latentes en tout groupe.
La référence à la psychanalyse relève d'une méthodologie clinique, et non plus d'une méthodologie expérimentale. Le style des applications diffère également d'un modèle à l'autre. Pour les disciples de Lewin, l'accent est mis sur l'amélioration de l'efficacité individuelle et sociale par le petit groupe. Pour la tendance psychanalytique, le groupe n'est qu'un moyen en vue d'établir entre les personnes une communication plus véridique et de leur permettre de faire l'expérience d'états et de processus psychiques « archaïques ».
Contexte idéologique et genèse
Les démocraties occidentales et le groupe
Les concepts des sciences sociales correspondent souvent à la prise de conscience de problèmes posés à la société en un moment donné. Il en est ainsi pour celui de dynamique de groupe. Ce n'est pas par hasard s'il est inventé en 1944, en pleine guerre mondiale, par Kurt Lewin (1890-1947), psychologue expérimentaliste allemand qui avait émigré depuis près de quinze ans en Amérique. Pour lui, cette théorie procède de la révision d'un postulat individualiste : les conduites humaines, en effet, sont à envisager comme la résultante non seulement du champ des forces psychologiques individuelles, mais de celui des forces propres au groupe auquel l' individu appartient. Pour la démocratie américaine engagée dans la guerre, il s'agissait de comprendre comment un phénomène tel que le fascisme ou le nazisme avait été psychologiquement possible et comment prévenir son retour. La première recherche en laboratoire entreprise par Lewin et ses deux collaborateurs, R. Lippitt et R. White, sur de petits groupes créés artificiellement avait démontré expérimentalement, dès 1939, la supériorité de la conduite démocratique sur la conduite autoritaire ou sur la conduite anarchique du laisser-faire, tant au point de vue de l'efficacité du travail qu'à celui du plaisir pris par les participants[...]
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Écrit par
- Didier ANZIEU : professeur de psychologie à l'université de Paris X-Nanterre.
Classification
Autres références
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