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HINES EARL (1905-1983)

On l'appelait « Fatha », de l'anglais father (père), tant son influence a été considérable sur tout ce qui compte en matière de pianojazz. Et pourtant les grands quotidiens n'ont pas soufflé mot de sa disparition. Earl Kenneth Hines naît le 28 décembre 1905 à Duquesne (Pensylvanie) dans une famille de musiciens : son père joue du cornet dans l'Eureka Brass Band, sa mère est organiste, sa sœur professeur de musique, son frère pianiste. S'il semble d'abord séduit par la trompette, il se tourne dès ses neuf ans vers le piano, qu'il étudie, avec l'intention de devenir un concertiste classique, à la Schenley High School de sa ville natale. Mais le jazz, très vite, le détourne de cette voie toute tracée. Hines hante, âgé à peine de treize ans, les cabarets de Pittsburgh et fait ses premiers pas publics en s'inspirant du style de pianistes locaux comme Jim Fellman ou Johnny Waters. On commence à le remarquer alors qu'il accompagne le chanteur Lois Deppe. C'est à la suite de ce dernier qu'il arrive à Chicago (1922) et se fait un nom à l'Elite, à l'Entertainer's Cafe, au Vendome Theater. Il est engagé par Caroll Dickerson. En 1927, date capitale, Louis Armstrong l'appelle dans son Hot Five. Le grand trompettiste ne retrouvera jamais plus un partenaire pianiste de cette envergure. Cette somptueuse association, dans une formation devenue depuis légendaire, va produire le premier duo trompette piano enregistré de l'histoire du jazz (Weather Bird) et un impressionnant chapelet de chefs-d'œuvre (West End Blues, Monday Date, Fireworks, Basin Street Blues, Skip the Gutter, Tight Like This, etc.). Ces deux jeunes gens — Armstrong a vingt-huit ans et Hines vingt-deux — saisissent au vol les phrases énoncées par chacun et les développent à tour de rôle avec une verve et une fantaisie qui laissent pantois. Cette identité de style était si évidente que l'on qualifiait de trumpet style la manière de Earl Hines, lequel, à cette époque, fait preuve d'une activité débordante. En douze mois il enregistre plus de quarante faces de disques, joue à l'Apex Club et dirige un grand orchestre au Grand Terrace Cafe. Puis, pendant près de vingt ans (jusqu'en 1948), le soliste s'efface devant le chef d'orchestre. La grande formation qu'il dirige, et qui compte parmi les meilleures de l'époque, hésite à ses débuts entre les styles de Fletcher Henderson, de Count Basie et de Jimmie Lunceford. Les orchestrations sont de la main de grands faiseurs comme Jimmy Mundy, Cecil Irwin, Budd Johnson ou Lawrence Dixon. Bientôt le chef se laisse séduire par le be-bop qu'il mêle, dans une synthèse très personnelle, à la manière de Harlem. Les plus grands solistes comme Charlie Parker, Dizzy Gillespie, Sarah Vaughan, Walter Fuller, Omar Simeon, Trummy Young ou Billy Eckstine viennent jouer sous sa baguette. Mais, en 1947, Louis Armstrong monte un All Stars où officient entre autres Barney Bigard (clarinette) et Jack Teagarden (trombone). Earl Hines répond à l'invitation et, jusqu'en 1951, se succéderont de nombreuses tournées, notamment en France en 1948 et en 1949. À cette date, il quitte Chicago pour fonder à San Francisco un petit orchestre de qualité médiocre. Earl Hines traverse alors une éclipse de quelques années. En 1958, à l'occasion d'une tournée en Europe, Boris Vian suscite un enregistrement avec Jack Teagarden. C'est le début d'une nouvelle popularité. En solo, en trio ou au sein d'un orchestre, les qualités qui ont fait sa gloire triomphent à nouveau. Il réalise, notamment en 1965-1966, une très vaste production discographique — qu'avec le recul du temps on peut considérer comme pratiquement sans déchets — soit en soliste, soit en compagnie de Johnny Hodges, Jimmy Rushing, Budd Johnson ou Buck Clayton[...]

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Earl Hines - crédits : Central Press/ Hulton Archive/ Getty Images

Earl Hines

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