WARREN EARL (1891-1974)
Homme politique américain, Earl Warren occupa notamment le poste de gouverneur de Californie de 1942 à 1953 et fut candidat à la vice-présidence, sur le ticket républicain, aux élections de 1948. Pourtant, il demeurera, dans l'histoire de son pays, le chef d'une Cour suprême (chief justice) qui, pendant seize années (1953-1969), contribua à transformer les relations politiques et raciales à l'intérieur des États-Unis. Warren est, en effet, un libéral qui croit à l'efficacité de l'esprit réformiste et à la possibilité d'influer, par de bonnes lois ou par des sentences justes, sur l'évolution des mœurs nationales.
Son action s'exerce dans deux domaines. C'est ainsi qu'il accélère le processus de déségrégation en rendant, en 1954, l'arrêt Brown v. Board of Education qui déclare illégale la séparation dans les écoles entre les Noirs et les Blancs. S'il est nécessaire que le président Eisenhower recoure à la force publique pour obtenir l'obéissance de l'un des États du Sud, la Cour suprême n'en tire pas moins les conclusions logiques de cette première décision : ses arrêts ultérieurs annulent la ségrégation dans les théâtres, les parcs publics, les restaurants, les autobus, puis visent à restaurer tous les droits politiques, notamment le droit de voter, pour la population noire. Il est vrai qu'à partir de 1965 les libéraux blancs et noirs sont dépassés, les uns par les adversaires de nouvelles concessions, les autres par les tenants de la violence. Warren se fait aussi le défenseur des libertés publiques et du droit à l'anticonformisme, en une période encore marquée par le maccarthysme. Il vote, avec la majorité de ses collègues, pour la suppression des « serments de loyauté » imposés par plusieurs États. Il proteste contre le refus du Département d'État de délivrer un passeport à l'un des membres du Parti communiste américain ; il limite les restrictions qui pèsent sur les activités des syndicats. Bref, contrairement à la tradition, la Cour ne suit pas l'évolution de l'opinion publique ; elle la précède et l'influence ; elle contraint le pouvoir exécutif et le Congrès à l'action. C'est pourquoi la « Cour Warren » est l'objet de l'anathème des conservateurs dont certains réclament l'impeachment du chief justice. Quand il prendra sa retraite en 1969, peu se souviendront que sa nomination avait suscité les craintes des progressistes et la joie des partisans de l'ordre.
Toutefois, l'autorité et le prestige de Warren ont été respectés par la grande majorité. Aussi le président Johnson lui a-t-il confié, au lendemain de l'assassinat du président Kennedy, la mission d'enquêter, avec quelques autres Sages, sur le drame de Dallas. La commission Warren travailla pendant de longs mois ; elle entendit un grand nombre de témoins, rédigea un volumineux rapport et conclut que Lee Harvey Oswald était bien l'assassin de Kennedy et qu'il avait exécuté son crime sans complicité extérieure. Cette conclusion, largement acceptée en Amérique à l'époque, est maintenant contestée par certains, sans que les zones d'ombre aient pu être éclaircies.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- André KASPI : professeur d'histoire de l'Amérique du Nord à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
Classification
Autres références
-
COUR SUPRÊME DES ÉTATS-UNIS
- Écrit par Thomas HOCHMANN
- 3 322 mots
- 3 médias
Il est habituel de désigner les périodes de l’histoire de la Cour suprême par le nom du juge qui la présidait alors. La « Cour Warren » correspond donc à la présidence de Earl Warren, de 1953 à 1969. Durant cette période, la Cour soutint le mouvement pour les droits civiques, avec l’arrêt... -
DOUGLAS WILLIAM ORVILLE (1898-1980)
- Écrit par Marie-France TOINET
- 768 mots
Fils d'un pasteur presbytérien itinérant qui prêchait dans les petites communautés de l'Ouest américain, que l'on appelait encore la Frontière, William Douglas a une enfance d'autant plus pauvre que son père meurt lorsqu'il a six ans. Sa mère s'établit dans l'État de Washington...
-
ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE (Le territoire et les hommes) - Histoire
- Écrit par Encyclopædia Universalis , Claude FOHLEN , Annick FOUCRIER et Marie-France TOINET
- 33 218 mots
- 62 médias
Cette période est enfin – on l'oublie trop souvent – symbolisée par la Cour Warren (1953-1969) qui va littéralement accoucher des droits individuels, jusque-là restés dans l'ensemble fort théoriques : égalité à l'école, égalité devant la justice, égalité aux urnes, égalité devant la loi deviennent... -
ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE (Le territoire et les hommes) - La démocratie institutionnelle
- Écrit par Encyclopædia Universalis et Serge HURTIG
- 10 452 mots
- 7 médias
...grande réserve, et dans l'ensemble adopté une attitude conforme aux vues du Congrès et du président. Une nouvelle phase « activiste » s'est ouverte en 1953, lorsque le président Eisenhower a nommé Earl Warren à la tête de la Cour. Cette phase a duré jusqu'au départ de celui-ci, en 1969.