EAU, élément
Pour Thalès de Milet, le premier des physiologues ioniens, l'eau est le principe de toutes choses ; après lui, Empédocle d'Agrigente introduit quatre éléments : l'air, l'eau, la terre et le feu, qu'il appelle les quatre racines. Mais c'est surtout Platon qui développe la théorie des quatre éléments empédocléens. Dans son dialogueLe Timée, il attribue à chacun de ces corps une forme géométrique particulière : le tétraèdre régulier représente le feu, le cube la terre, l'octaèdre régulier l'air et l'icosaèdre régulier l'eau.
À cette théorie, qui est fondée sur des considérations de symétrie, Aristote ajoute l'« éther », qui remplit les espaces interstellaires et qui est constitutif de la matière stellaire. Les propriétés des quatre corps platoniciens dérivent des propriétés géométriques des polyèdres correspondants qui conservent la surface totale ; l'une des propriétés les plus remarquables est la transformation les uns dans les autres des trois corps autres que la terre ; mais cette transformation obéit à des lois discrètes et non continues. En revanche, les mélanges des quatre différents corps peuvent contenir des proportions variables de feu, d'air, d'eau et de terre ; ce sont les « mixtes » ou « mixtions » du Moyen Âge et de la Renaissance.
Les philosophes médiévaux, byzantins ou musulmans, conservent les quatre corps platoniciens, auxquels ils donnent le nom d'« éléments », tandis que les alchimistes les groupent sous la dénomination commune de tetrasomia, représentée par un carré dont les quatre sommets sont occupés par les éléments (R. Lulle).
Le célèbre chimiste allemand J. J. Becher (1635-1682) considère, par contre, que tous les corps sont composés de trois « terres » selon des proportions différentes : la « terre vitrescible » (sels, cailloux, métaux, etc.), responsable de la vitrification des corps par le feu ; la « terre sulfureuse » ou « inflammable », responsable de la propriété qu'ont certains corps de brûler avec une flamme ; la « terre mercurielle », qui est propre aux métaux et leur communique la faculté d'entrer en fusion. Pour Becher et son élève G. E. Stahl (1660-1794), il n'y a que trois éléments : la terre, l'eau et l'air, tandis que le feu devient le phlogiston ou « phlogistique », c'est-à-dire « principe d'inflammabilité ».
Jan Baptist van Helmont (1579-1644), ayant, semble-t-il, mal compris les textes sacrés (alchimiques), avait soutenu et prouvé expérimentalement ( !) que l'eau est l'unique principe matériel des corps (les expériences du saule de Van Helmont, de la citrouille de Boyle et du chêne de Duhamel prouvent que le poids de la terre reste le même, tandis que la plante pousse par l'eau d'arrosage). « Nous sommes tentés d'admettre l'eau pour un des principes constituants de toutes les pierres qui ne sont pas produites ou altérées par le feu », écrit encore Venel dans l'Encyclopédie de Diderot.
Certes, l'eau est un corps très répandu dans la nature, liquide, sans odeur, sans saveur, sans couleur, transparent, etc. ; mais ce corps était difficile à caractériser à cause des impuretés qui s'y trouvent toujours mêlées. « Il est étonnant, écrit H. Boerhaave (1668-1738), que, l'auteur de la nature ayant créé un élément dont l'élasticité est presque infinie, je veux dire l'air, il en a créé un autre, savoir l'eau, qui n'est d'aucune façon élastique. » Tandis que les alchimistes considéraient l'eau comme un « menstrue universel », c'est-à-dire comme une matière capable de dissoudre toutes les substances, cette propriété n'est plus vraie pour les chimistes du xviie siècle ; cependant, le mystère de l'eau n'est complètement[...]
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Écrit par
- Georges KAYAS : maître de recherche au CNRS, physique corpusculaire
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