EBOLA FIÈVRE ET VIRUS
La fièvre Ebola tire son nom d’une rivière de la République démocratique du Congo (RDC) qui baigne le village de Yambuku, où cette maladie a été identifiée pour la première fois en septembre 1976 chez l’homme. Les autorités de santé avaient été informées d’une maladie foudroyante par les membres de l’hôpital catholique local. Mandatés par le président Mobutu, un médecin belge, François Ruppol, et un Français, médecin-chef du service des armées Gilbert Raffier – plus tard médecin général et fondateur d’un village pour lépreux en Côte d’Ivoire, Raffierkro – parviennent à limiter l’épidémie de fièvre hémorragique – « le sang sort par tout le corps » en est la première description écrite – par des mesures draconiennes : isolement strict, incinération des cadavres, interdiction des funérailles traditionnelles. Ces deux médecins envoient des échantillons sanguins qui sont analysés au Centre pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) d’Atlanta, où le virus est identifié. L’épidémie fera 280 morts avant de s’éteindre.
La fièvre Ebola appartient au groupe des fièvres hémorragiques, comme les fièvres Marburg, Lassa, Rift, etc. Elle débute par une fièvre brutale et intense, accompagnée de multiples troubles somatiques, diarrhées, éruptions cutanées. La mort survient en quelques jours dans la proportion de 25 à 90 % des cas selon la souche virale à la suite d’un état de choc (insuffisance circulatoire aiguë), lui-même consécutif à une insuffisance rénale et hépatique majeure et à des hémorragies internes et externes (peau et conjonctive). La maladie entraîne, chez les cas non mortels, d’importantes séquelles neurologiques et hépatiques. Le malade doit être isolé pour éviter la contamination des personnes à son contact et placé dans des unités de soins intensifs où il est réhydraté. On cherche alors surtout à inhiber, avec divers agents anticoagulants, la coagulation vasculaire disséminée responsable de l’extension des signes cliniques à tous les organes. Depuis l’été 2015, il existe au moins un vaccin efficace. Depuis 2018, deux traitements à base d’anticorps monoclonaux ont donné de bons résultats dans le traitement de la maladie s’ils sont administrés dans les jours qui suivent la contamination.
La maladie est provoquée par un virus, qui prendra le nom d’Ebolavirus(EBOV), de la famille des Filoviridae, des agents infectieux désignés ainsi en raison de leur aspect filamenteux au microscope électronique. Leur matériel héréditaire est un ARN de petite taille, doté de sept gènes seulement codant pour neuf gènes viraux. On en compte cinq espèces, nommées d’après leur lieu d’origine, qui ont toutes en commun environ 60 % de leur génome, le reste étant à l’origine de différences dans leur pathogénicité. Ainsi l’une de ces souches, le virus Reston, n’est que faiblement pathogène pour l’homme. Les épidémies humaines graves sont quant à elles dues aux autres souches, principalement africaines. Ainsi, l’épidémie de 2013-2015 est provoquée par la souche Zaïre, désormais appelée Ebola, et s’est révélée la plus dangereuse. Comme ils provoquent une maladie souvent mortelle, ces virus sont étudiés dans des conditions de haute sécurité dans des laboratoires spécialisés, dont le laboratoire P4 (pathogènes de classe 4) Jean-Mérieux à Lyon.
Outre son caractère foudroyant et sa mortalité élevée, la fièvre Ebola attire l’attention par ses caractéristiques épidémiologiques. Depuis sa première émergence en 1976 – elle existait sans doute auparavant chez les singes et dans des groupes humains vivant dans des écosystèmes peu connus –, elle fait régulièrement l’objet de poussées épidémiques limitées, assez fréquentes en Afrique tropicale (RDC, Ouganda, Soudan surtout). Pour la plupart des virus de la famille Ebola et pour [...]
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Écrit par
- Gabriel GACHELIN : chercheur en histoire des sciences, université Paris VII-Denis-Diderot, ancien chef de service à l'Institut Pasteur
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