ECCLÉSIOLOGIE
Église et royaume de Dieu
Les exégètes contemporains (depuis J. Weiss et A. Schweitzer) ont rappelé le lien qui existe dans le Nouveau Testament entre l'Église et le Royaume de Dieu, notion beaucoup plus largement présente dans la prédication de Jésus que celle d'Église. Appréciant le constat et forçant un peu les choses, Alfred Loisy écrivait vers 1900 : « Jésus annonçait le Royaume, et c'est l'Église qui est venue » (L'Évangile et l'Église).
Dans le Nouveau Testament, l'Église est toujours, en effet, la « communauté des derniers temps ». Elle est présentée comme les prémices, l'avant-goût du Royaume qui vient, annoncé par Jésus-Christ. Les chrétiens sont les héritiers des promesses faites à Abraham, et ils constituent, grâce à l'accession des gentils, l'Israël définitif, préfigurant le rassemblement final du peuple juif et de l'humanité. Cette idée est exprimée avec une insistance particulière par saint Paul (Rom., ix-xi) et par l'Apocalypse (Apoc., vii, 1-12). Tandis que, dans l'Ancien Testament, le peuple de Dieu était distingué des païens et séparé d'eux, dans le Nouveau, les païens font, aux côtés des juifs, partie du peuple de Dieu et forment avec eux un seul peuple saint, un peuple appelé et réconcilié, en attendant le jour où toute l'humanité sera réunie dans le royaume de Dieu à venir. Ce jour-là sera marqué par le retour du Christ, qui doit rassembler dans l'unité tout l'univers. Le Nouveau Testament répond ainsi à l'Ancien : tandis que celui-ci est caractérisé par l'attente du Royaume et par une économie d'élection et de séparation, celui-là l'est par l'annonce du Royaume qui vient et par une économie de réconciliation et de communion.
Cependant, le Nouveau Testament n'identifie pas l'Église avec le royaume de Dieu. Même si les disciples sont appelés une fois ou l'autre « coopérateurs du royaume de Dieu » (Col., iv, 11), on n'imaginerait pas de dire qu'ils construisent la cité céleste. L'Église a ainsi sa consistance propre par rapport au Royaume à venir. Elle doit un jour devenir la communauté sur laquelle le Seigneur régnera, mais seulement après l'épreuve annoncée par l'Évangile et après la discrimination du Jugement. Le temps présent n'est pas celui du Royaume advenu, mais seulement celui où l'Église est rassemblée « des quatre vents » (Didaché, x, 5) en vue du royaume de Dieu.
Dans sa phase tout à fait primitive, l'Église n'eut pas de culte organisé, de hiérarchie sacerdotale, ni de doctrines formulées, puisqu'elle vivait encore au sein de la communauté juive. En se constituant, elle a hérité de tous les éléments de la tradition judaïque. Vivant dans la conscience d'être le peuple de Dieu des derniers temps, la communauté instituée par Jésus-Christ portait cependant en germe une constitution propre : la Cène du Seigneur, actualisant et renouvelant le mémorial de la pâque juive, l'appel des douze Apôtres, envoyés baptiser toutes les nations, l'annonce du salut (« Jésus est Seigneur ») et du retour du Christ (« Marana tha »), principe de toute confession de foi. Bien que Jésus ait annoncé le Royaume et proclamé un message de justice et d'amour entre les hommes, et non pas fait œuvre directe de législateur, la constitution de l'Église résulte donc bien de la fondation par lui d'une communauté de disciples.
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Écrit par
- Bernard DUPUY
: directeur du Centre d'études Istina et de la revue
Istina
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