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ECCLÉSIOLOGIE

L'Église, sacrement du salut et société humaine

La tradition chrétienne affirme que l'Église est née à la Croix, nouvelle Ève sortie du côté transpercé du Christ. Elle affirme aussi que l'Église a été manifestée à la Pentecôte : par l'Esprit envoyé du Père, l'Église a été sanctifiée dans la vérité. Elle constitue ainsi dans le temps un mystère, c'est-à-dire qu'elle est une manifestation divine dans l'histoire, comme Jésus est la manifestation même de Dieu au milieu des temps. Tandis que les nations poursuivent leur course, l'Église, tirée du peuple juif et tirée des nations, prépare le rassemblement de tous les hommes. Elle est le « sacrement du salut », signe et voie de l'unité finale de tous les hommes en Jésus-Christ.

Cette même Église, qui est mystère céleste dans sa réalité profonde, présente néanmoins le visage d'une société terrestre. De ce point de vue, elle est une institution humaine, avec toutes les faiblesses et les vicissitudes historiques que cela implique : elle est faillible et réformable. Mais il est impossible de dissocier les deux aspects de l'Église sans dissocier aussi les deux dimensions visible et invisible, actuelle et finale de l'œuvre du Christ, et donc sans détruire à sa racine l'économie du salut. De même qu'il n'y a qu'une seule humanité du Christ, unie en lui à sa divinité, de même il n'y a qu'une société terrestre visible qui est l'Église. Opposer une Église, société humaine, juridique et faillible, à une Église assemblée des saints, vivante et spirituelle, c'est méconnaître la cohérence de l'histoire de l'Église. Il convient alors de définir correctement cette société visible : elle n'est pas une société temporelle au même titre que la société des nations. Elle est le lieu total des sacrements, des annonces prophétiques de la Parole de Dieu, des efforts de justice et de charité accomplis sous la mouvance du Christ ; elle est le signe posé dans le monde de la résurrection de Jésus-Christ ; elle est l'avant-goût du Royaume qui vient.

L'unité de l'Église-société est ainsi une unité réelle dans des signes : « L'Église en sa réalité institutionnelle et visible apparaît comme définie et constituée par le ministère de la foi et des sacrements de la foi ; finalement, elle est le « sacrement » de la Croix, c'est-à-dire d'une vie nouvelle et de l'union des hommes au Christ sauveur » (Y. Congar, Esquisses du mystère de l'Église).

On a l'habitude de dire de nos jours, selon une vue qui remonte au xvie siècle (Catéchisme du Concile de Trente ; Calvin) mais s'enracine dans la liturgie baptismale des premiers siècles, que l'Église exerce dans le monde une fonction sacerdotale, prophétique et royale. L'Église est sacerdotale parce que tout chrétien offre le sacrifice spirituel avec le Christ ; elle est prophétique, parce que l'Église, « colonne et soutien de la vérité » (I, Timothée, iii, 15), doit au cœur de l'histoire veiller sur le monde et déchiffrer les « signes des temps » ; elle est royale, parce qu'il lui faut annoncer un message de liberté dans un monde où les hommes sont toujours esclaves les uns des autres. On caractérise aussi de cette façon les aspects principaux de la vocation de l'Église et de son service dans le monde : diaconie, communion, témoignage. C'est ainsi que la définissait en 1960 W. A. Visser't Hooft, alors secrétaire général du Conseil œcuménique des Églises.

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Écrit par

  • : directeur du Centre d'études Istina et de la revue Istina

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