UTRECHT ÉCOLE D', peinture
Les caravagismes utrechois
On peut distinguer schématiquement deux phases dans le caravagisme utrechtois. La première, de 1615 à 1622, époque à laquelle les peintres nordiques, formant la Schilderbent, parmi lesquels on compte les Utrechtois Jan van Bijlert, Paulus Bor surnommé Orlando, Jan Woutersz, Pietersz Crabeth, originaire de Gouda, Christian van Couwenberg de Delft, dominent à Rome, avec Baburen et Honthorst qui reçoivent de grandes commandes officielles (Ter Brugghen est rentré à Utrecht depuis 1614). Cette première phase est marquée par une plus stricte fidélité à Caravage (les thèmes traités sont alors uniquement religieux), soit dans les compositions, par exemple la Mise au tombeau de Baburen, de 1627 environ (San Pietro in Montorio, Rome), le Couronnement d'épines et la Vocation de saint Matthieu de Ter Brugghen, tous deux en 1620 (coll. Speelman, Londres, et musée du Havre), soit dans le luminisme : ainsi Honthorst reprend-il le violent clair-obscur des œuvres tardives du maître en l'amplifiant ; il substitue en effet à l'éclairage latéral venant d'un point situé hors du tableau un éclairage artificiel, chandelle ou flambeau, dont le foyer est souvent caché par un des protagonistes et dont le rôle est de mettre l'accent sur l'axe de la composition, seul point éclairé, le reste du tableau étant dans les ténèbres (d'où le surnom de Gherardo delle Notte que l'artiste reçut des Italiens), et d'accuser le caractère dramatique de la scène. Ces nocturnes à la chandelle, dans lesquels Honthorst se montre, si l'on peut dire, plus caravagesque d'esprit que Caravage lui-même, connaîtront une grande fortune à Rome auprès du Français Trophime Bigot, plus tard du Nordique Mathias Stomer, et sans doute peut-on y voir la source des nocturnes de Georges de La Tour.
La seconde phase, qui s'étend de 1623 environ, trois ans après le retour de Honthorst à Utrecht, jusque vers 1640, est celle d'un caravagisme apaisé, classicisant en quelque sorte, d'une peinture claire : à partir de 1627, Honthorst ne peindra plus de nocturnes ; quant à Ter Brugghen, le plus doué et le plus original des membres de l'école d'Utrecht, il avait adopté dès le début les tons froids et vifs des maniéristes, et il atteindra alors à un grand raffinement dans les coloris que l'on va retrouver, en moins subtil peut-être, chez Vermeer de Delft. Les tableaux religieux, sans disparaître complètement, se font plus rares ; les sujets de prédilection sont désormais choisis dans le domaine de la musique et du théâtre, et sont empruntés aux caravagesques italiens, tel Manfredi (à ces sujets vient se mêler le thème de l'entremetteuse qu'affectionnent les artistes nordiques). Du théâtre proviennent encore le goût des costumes de fantaisie, bérets à plumes et pourpoints rayés (autre apport italien qui va devenir un trait caractéristique des Utrechtois), et une tendance à la pastorale idyllique qui sera une des dernières formes, adoucie, du caravagisme nordique à laquelle la littérature hollandaise offrira ses sujets, les précédents étant Granida et Daifilo, thème inspiré du théâtre hollandais et traité par Honthorst et, curieusement, par Baburen, le plus violent des Utrechtois.
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Écrit par
- Françoise HEILBRUN : historienne de l'art
Classification
Médias
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