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FRANCFORT ÉCOLE DE

Theodor Adorno - crédits : AKG-images

Theodor Adorno

Vers la fin des années soixante, le courant de pensée connu désormais sous le nom d'école de Francfort développa une critique radicale des aspects politiques, sociaux et culturels de la société bourgeoise. Cette dénonciation des nouvelles formes de pouvoir et des séquelles du passé fasciste devait exercer une influence politique décisive sur les idéologies révolutionnaires de l'Allemagne fédérale contemporaine. Theodor Wiesengrund Adorno (1903-1969), Max Horkheimer (1895-1973) et Jürgen Habermas (né en 1929) avaient en effet transformé par leur enseignement l'université de Francfort et son institut de recherche sociale en un centre de pensée révolutionnaire que fréquentèrent tous les leaders du mouvement étudiant de l'époque. Ceux-ci purent ainsi découvrir l'héritage du mouvement ouvrier allemand et la réflexion marxiste d'avant-guerre. Les maîtres de l'école leur fournissaient, de plus, des armes intellectuelles aussi efficaces contre l'idéologie technocratique et positiviste des pays occidentaux que contre le marxisme dogmatique des pays de l'Est. Critiquant enfin tous les autoritarismes et tous les bureaucratismes existants, leurs travaux allaient constituer le socle sur lequel devait s'ériger une nouvelle conception du monde révolutionnaire.

Mais, à la même époque, s'ébaucha la mise en accusation des fondateurs de la théorie critique, qui se virent reprocher de s'enfermer dans une tour d'ivoire. Et, depuis la mort d'Adorno, on parle de la fin de l'école, du moins sous sa forme institutionnelle.

Le problème d'une théorie critique de la société obéissant à un dessein pratique et émancipateur est pourtant loin d'être périmé. D'ailleurs, si le nom d'école de Francfort ne fait pas l'unanimité parmi ceux qui sont censés la représenter, ce projet assure, en revanche, la cohésion du mouvement depuis son apparition en Allemagne pendant les années trente jusqu'aux travaux d'Adorno dans les années soixante, après l'exil aux États-Unis de ses principaux représentants.

De la naissance de la théorie critique à sa phase pessimiste

Les travaux et la personnalité de Horkheimer ont largement dominé, dans les années trente, la phase classique de la théorie critique. C'est lui qui sut réunir autour de sa personne un groupe d'intellectuels ayant des orientations différentes, mais partageant tous le même idéal révolutionnaire d'une société fondée sur la raison et la liberté. Il organisa le travail scientifique de manière pluridisciplinaire entre des philosophes tels que Herbert Marcuse, des psychologues tels que E. Fromm, des historiens, des esthéticiens comme W. Benjamin, des sociologues de la littérature comme L. Löwenthal, et des économistes comme F. Pollock et H. Grossmann, faisant ainsi sortir la recherche d'une spécialisation outrancière. Les travaux de cette équipe débouchèrent sur la publication de deux grandes enquêtes : sur l'autorité et la famille, en 1936 ; sur l'antisémitisme et les potentialités fascistes dans la société américaine, en 1949-1950. Ce travail collectif s'est alors orienté vers l'analyse des nouveaux rapports, au sein de la théorie sociale, entre la philosophie et la recherche empirique. Horkheimer en présenta les résultats dans une série d'importants essais. Son ouvrage intitulé Théorie traditionnelle et théorie critique (1937), qui constitue un véritable programme de recherche, lui permet de définir le statut de la théorie critique par rapport aux systèmes de référence privilégiés que sont, à l'époque, un certain marxisme sclérosé et la philosophie idéaliste. Considérant les catégories de la critique de l'économie politique comme indispensables pour une stratégie qui demeure dominée par l'idée d'un souci d'émancipation, Horkheimer n'entend pas pour autant[...]

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Écrit par

  • : docteur de l'Université de Paris, chercheur, écrivain

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