LA HAYE ÉCOLE DE
L'école de La Haye, dont l'activité se situe pour l'essentiel entre 1870 et 1890, n'est pas née d'un simple retour aux thèmes du Siècle d'or de la peinture hollandaise, le siècle de Rembrandt, de Van Goyen et de Ruysdael. Elle incarne un moment de renouveau, marqué par des personnalités ouvertes et fortes, et par un retour en profondeur à la tradition du plein air, c'est-à-dire ce qui constitue l'essence même du génie pictural hollandais, une relation d'intimité avec le spectacle de la nature et de la vie humaine. « Il conserve l'accent séculaire dans l'image même de la vie présente », écrit Henri Focillon dans La Peinture aux XIXe et XXe siècles (1927) à propos de ce mouvement. « On dirait qu'un trésor de sensibilité, secrètement mûri pendant des générations, s'épanouit enfin, non sur la place publique et dans le tumulte, mais dans la douceur des ombres, en paix, dans le silence. Cet art est baigné d'une harmonie veloutée, où se nouent avec douceur les étroites correspondances de la nature et de l'homme. Il se reprend au culte de Rembrandt et il donne Jongkind. »
Pleinairisme et amour de la terre
Dès le milieu du xixe siècle, passé l'épisode romantique, d'ailleurs vécu sans grande conviction et principalement, comme en Belgique, à travers la renaissance d'un certain rubénisme (Cool, Anthony Vincent, Hendrick Schmidt), les artistes hollandais avaient renoué avec la tradition du paysage. « La religion des maîtres, écrit encore Focillon, est intacte, et chacun des vivants semble s'attacher filialement à la mémoire d'un grand mort » : Jacob van Strij, J. Van der Laen, Jan Kobell, Westenberg, Van Trootswijk, Schelfhout, qui sera le maître de Jongkind, Van Os et Van de Sande Backhuijzen, chacun se fait une spécialité de marcher dans les pas de tel ou tel grand devancier, Vermeer, Cuyp, Potter, Van Goyen ou Rembrandt. La lumière est évidemment au centre de ces recherches.
Une étape importante est franchie avec la fondation, en 1847, de la Société picturale de La Haye, mieux connue sous le nom de Pulchri Studio « Atelier du Beau », au sein de laquelle va s'exprimer une sensibilité nouvelle pour la terre, les paysages et les modes de vie nationaux. Vingt ans plus tard, à l'Exposition universelle de Paris, les représentants de cette mouvance inspiraient cette remarque au critique Thoré-Bürger, célèbre pour avoir redécouvert la personnalité et l'art de Vermeer de Delft : « S'ils n'ont plus de grande peinture civique, comme au xviie siècle, les Hollandais ont toujours du moins le sentiment de la vie familière et l'amour de la terre. » Par un jeu de miroirs très frappant, ce milieu va se ressentir de l'influence grandissante des peintres de Barbizon, en particulier Millet, Corot et Daubigny, qui partagent leur « sentiment de la vie familière et l'amour de la terre », et qui, dans leur redécouverte du pleinairisme, reconnaissent eux-mêmes une dette importante envers la tradition hollandaise...
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Écrit par
- Robert FOHR : historien de l'art
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