NANCY ÉCOLE DE
L'art pour tous
Alors que les œuvres les plus fameuses de l'Art nouveau nancéien ont été produites en très petites séries – quand il ne s'agit pas de pièces uniques – qui s'adressent par essence à une clientèle fortunée, la plupart des artistes eurent à cœur de développer une production industrielle accessible à un plus large public. Gallé et Majorelle déclinèrent leurs œuvres exceptionnelles en des séries industrialisées d'objets courants ou de meubles vendus dans des magasins ou par catalogues. Les verreries des frères Muller s'inscrivent dans cette ambition de produire des objets à la portée du plus grand nombre, avec toutefois un succès limité. L'entreprise Daum parvint réellement à cette démocratisation de l'art avec la production d'objets industrialisés en pâte de verre. Quant à Camille Gauthier (1870-1963) et Paul Poinsignon, ils diffusèrent des meubles simples grâce à leurs catalogues de vente par correspondance. De la même manière, l'architecte César Pain (1872-1946) réalisa en grand nombre – pour ne pas dire en série – des petites maisons de ville, mettant ainsi l'architecture Art nouveau à la portée d'une clientèle plus étendue. Soucieux d'améliorer les conditions de vie des populations les moins favorisées, d'autres architectes, comme Lucien Weissenburger et surtout Émile André, mirent leur talent au service de l'habitation ouvrière et du logement à bon marché. Cette dimension sociale de l'Art nouveau nancéien est déjà présente en 1900 lorsque Gallé donne sa définition de l'art populaire : « un art dans lequel l'ouvrier, l'exécutant, ne sera plus réduit à l'état de machine et ne connaîtra plus ce hard labour de réaliser, à la sueur du front, des parties de l'œuvre d'autrui sans en pouvoir embrasser l'ensemble ». Dès sa création, l'Alliance provinciale des industries d'art proclamait sa volonté de créer non seulement un enseignement destiné à former des ouvriers d'art, mais également des cours du soir pour les artisans et des conférences populaires afin de donner naissance à « une population manufacturière d'une intelligence et d'une habileté consommée ». Faute de moyens suffisants, ce projet ne se concrétisa pas.
Malgré le succès international que connurent les œuvres de l'École de Nancy, l'association des artistes lorrains fut très tôt agitée par des rivalités internes. Après le décès de Gallé en 1904, Victor Prouvé permit à l'Alliance provinciale des industries d'art, dont il était le nouveau président, de survivre jusqu'en 1909. Si la production Art nouveau ne cessa pas à cette date, l'évolution du goût et la lassitude de la clientèle vis-à-vis des excès du décor floral eurent raison du style de l'École de Nancy. Pour autant, certains de ses idéaux, comme l'art social, l'alliance de l'art et de l'industrie se retrouvent au sein de l'Union des artistes modernes créée à Paris en 1929, à laquelle avaient adhéré Jean Prouvé et Jacques André, fils de deux des figures principales de l'École de Nancy.
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Écrit par
- Hervé DOUCET : maître de conférence en histoire de l'art contemporain, université de Strasbourg
Classification
Médias
Lampe de table rhododendron, É. Gallé
Sotheby's/ AKG-images
C. Philippot/ Musée de l'Ecole de Nancy
Salle à manger Masson, E. Vallin
Studio Image/ Musée de l'Ecole de Nancy
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