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ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES EN SCIENCES SOCIALES (EHESS)

Parmi les principales institutions françaises d'enseignement supérieur et de recherche, l'École des hautes études en sciences sociales est relativement jeune. Sous cette appellation, elle n'existe que depuis 1975, date à laquelle elle s'est substituée à l'ancienne VIe section de l'École pratique des hautes études, section elle-même créée en 1947. Il faut cependant remonter bien plus loin dans le temps si l'on veut comprendre les traits caractéristiques et l'esprit d'un projet qui a fort longtemps cherché sa voie.

C'est dans les dernières années du second Empire que Victor Duruy, ministre de l'Instruction publique, lui-même historien, décide de renouveler le haut enseignement français : non pas, comme ce sera le cas à la fin du xixe siècle, en le réformant de l'intérieur, mais plutôt en ajoutant une création périphérique à la vieille université, comme on l'avait fait jadis avec le Collège de France, l'École normale supérieure ou l'École polytechnique. Pour sa création, Duruy ne cachait pas son ambition. Il aurait alors annoncé : « L'École des hautes études est un germe que je dépose dans les murs lézardés de la vieille Sorbonne ; en se développant, il les fera crouler. » De fait, il s'agit de promouvoir des enseignements et des manières d'enseigner que l'Université française ignore encore, en s'inspirant du séminaire à l'allemande. L'E.P.H.E. doit être une institution d'érudition et de recherche dont le rôle sera, en outre, d'initier par l'exemple des étudiants à ces pratiques (d'où son nom). L'institution n'aura pas à se préoccuper de la collation des grades, demeurée privilège universitaire ; il lui faudra se consacrer à la production et à la transmission de connaissances, sans égards pour les titres académiques de ses étudiants (ni, dans une certaine mesure, de ses professeurs appelés « directeurs d'études »). Des quatre sections mises en place par le décret de 1868, trois relèvent des sciences exactes et la quatrième rassemble les « sciences historiques et philologiques ». Une cinquième est bientôt prévue (1869) pour les « sciences économiques et administratives », celles qui doivent, en gros, traiter de la réflexion sur les affaires publiques et des instruments de leur gestion.

Cette dernière section n'aura pas d'avenir. Surviennent la guerre avec l'Allemagne, puis la chute de l'Empire. Au début des années 1870, l'École libre des sciences politiques reprend à son compte une partie du projet, tandis que, vers la fin du siècle, les facultés de droit accueillent l'enseignement de l'économie politique. Le terrain est ainsi partiellement occupé, et il sera jalousement gardé. Du coup, le projet est progressivement reformulé : il reste tourné vers l'analyse des sociétés contemporaines, mais il est davantage ouvert sur la recherche fondamentale, moins sur les sciences de l'action. Surtout, les sciences sociales en constituent le cœur. Il est vrai que celles-ci connaissent dans le dernier tiers du xixe siècle une floraison exceptionnelle. Émile Durkheim, suivi par une génération de disciples brillants, définit les ambitions d'une sociologie rigoureuse et critique. Paul Vidal de La Blache, lui aussi grand professeur et grand maître d'œuvre, révolutionne la géographie. Ces tentatives ne sont pas isolées. Mieux, elles partagent, pour la plupart d'entre elles, le rêve d'une unification des diverses pratiques au sein d'une seule science sociale dont les durkheimiens, en particulier, arrêtent le discours de la méthode.

Pourtant, à cette réussite impressionnante ne répond aucune véritable traduction institutionnelle. Les années 1870-1920 sont, pour les sciences sociales, une interminable traversée du désert.[...]

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  • : directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales, Paris

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