LÉGISTES ÉCOLE DES
Développement du mouvement légiste
Les précurseurs
Le mouvement de réforme qui va peu à peu donner lieu à la systématisation du légisme commence dès la première moitié du viie siècle au pays de Qi, où un ancien marchand devenu ministre, Guan Zhong, réorganise le fisc ainsi que le statut militaire des populations, encourage la production du sel et du fer en la livrant, moyennant taxation, aux entrepreneurs privés. De telles mesures ont pour importante conséquence de faire du prince de Qi le premier hégémon ; mais elles touchent à certains domaines, ceux des activités roturières ou de la mobilisation du peuple, qui sortent du champ des rites nobles, et tombent seulement sous l'emprise de la loi pénale. Ces mesures deviennent contagieuses ; aussi n'est-ce pas un hasard si au pays de Jin, qui bientôt se réforme à son tour, les grandes assemblées de chasse défraient la chronique en 633, 629 et 621 (ces assemblées fournissaient rituellement l'occasion de la promulgation des nouveaux règlements criminels). Au siècle suivant, c'est dans un pays peuplé de grands marchands, le pays de Zheng, qu'un homme d'État éclairé, Zi Chan, procède, en 536, malgré la sévère mise en garde que lui adresse le traditionaliste Shuxiang, à la première codification des règles pénales, auxquelles est désormais appliqué le nom de « loi » (fa). Jin suit rapidement cet exemple et codifie ses lois à son tour en 513. Lorsque ce dernier pays se scinde en trois États nouveaux, au seuil de l'époque des Royaumes combattants, celui de Wei, qui en est issu, connaît un remarquable développement sous le ministère de Li Kui, alias Li Ke, célèbre tant par sa politique agraire, réaliste et scientifique, que par la compilation qu'il effectue d'un Canon des lois – Fajing – promis à servir, deux siècles et demi plus tard, de pierre angulaire au code pénal de l'empire. Pour le plus grand succès des armes de Wei, Li Kui associe à son gouvernement le grand stratège Wu Qi, qui par la suite, évincé par des calomniateurs, ira entreprendre au pays de Chu de semblables réformes ; en 381 une réaction féodale lui fera payer cette tentative de sa vie.
Les légistes
Après ces précurseurs, quatre grandes figures de l'histoire politique chinoise vont donner au légisme sa forme achevée, en pratique et en doctrine. La première est celle de Shen Buhai qui, ministre dans un autre des pays issus du Jin, celui de Han, mit au point un shu (art) du gouvernement des hommes, d'esprit très machiavélique, qu'il a expliqué dans un traité depuis longtemps perdu mais dont les thèmes principaux sont connus indirectement. Il mourut en 341 (en 337 pour certains historiens). La seconde figure est celle de Shang Yang, ministre au pays de Qin, où il établit, dans un milieu d'autant plus réceptif qu'il n'était encore qu'à demi civilisé, des institutions de style césarien qui préfigurent l'empire. Ses réformes abolirent la féodalité, et prirent leur force de l'armature pénale qu'il leur donna au regard même de la plus haute aristocratie, soumise légalement aux châtiments pour la première fois dans l'histoire chinoise. Lui-même subit d'ailleurs la peine de l'écartèlement, en 338, pour avoir résisté par les armes à la vindicte de l'ancien prince héritier qui venait de monter sur le trône. Ses vues politiques sont exposées dans le Livre du seigneur Shang – Shang jun shu – conservé dans un état notablement remanié. La troisième figure, la plus obscure, est celle de Shen Dao, mort vers 275, pur idéologue profondément imprégné de philosophie taoïste, attaché à la thèse que le pouvoir dépend non pas de l'autorité personnelle de celui qui l'exerce mais de la shi (position de force) dans laquelle il a su s'installer pour maîtriser les tendances qu'il s'agit de soumettre[...]
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Écrit par
- Léon VANDERMEERSCH : directeur d'études honoraire à l'École pratique des hautes études
Classification
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