PALAIS ÉCOLE DU, enluminure
Deux séries d'œuvres carolingiennes sont regroupées sous le nom d'école du Palais : l'école du palais de Charlemagne et celle du palais de Charles le Chauve. L'une et l'autre dépendent étroitement du mécénat des deux princes et ne survécurent pas à leur disparition. La première école palatine (l'ancien groupe Ada), qu'il faut probablement localiser à Aix-la-Chapelle, se développa à la fin du viiie et au début du ixe siècle. Elle se caractérise par un retour systématique aux sources antiques. Cette fidélité à l'antique s'accompagne, dans le domaine de l'enluminure, d'une synthèse entre diverses influences mérovingiennes, lombardes et insulaires, reflet du milieu éclectique et cosmopolite de la cour. Quelques-uns des manuscrits qui y furent exécutés, œuvres de très grand luxe, pourprés, rehaussés d'or et d'argent, se rattachent directement à la personne de Charlemagne ou de son entourage immédiat : l'évangéliaire du scribe Godescalc (Bibl. nat., lat. 1203) fut achevé, avant 783, pour la reine Hildegarde et le roi ; les Évangiles de Centula (bibliothèque municipale d'Abbeville) furent offerts à Saint-Riquier par Angilbert ; les Évangiles de Saint-Médard de Soissons (Bibl. nat., lat. 8850) furent donnés à cette abbaye par Louis le Pieux qui les tenait probablement de son père. Les enlumineurs développèrent dans leurs peintures un programme iconographique de plus en plus savant et ambitieux, et la timidité que l'on note encore dans les représentations humaines de l'évangéliaire de Godescalc fait place, dans les Évangiles de Centula ou dans les Évangiles de Soissons, à une virtuosité parfois maniérée. Les manuscrits étaient enfermés dans des reliures d'orfèvrerie rehaussées de bas-reliefs d'ivoire ; quelques-uns d'entre eux ont subsisté. Plus encore que les enluminures, les sculptures de ces ivoires trahissent le rôle joué par les modèles antiques ; l'iconographie, la répartition des scènes, le style même des personnages et des drapés s'inspirent de ceux des ivoires de la basse Antiquité. Les deux plaques provenant de la reliure du Psautier de Dagulfe (Louvre), manuscrit écrit sur l'ordre de Charlemagne pour le pape Adrien Ier, sont l'œuvre la plus achevée du courant classique (Christ d'Oxford, diptyque de Cologne, Crucifixion de Narbonne), alors que celles provenant de la reliure des Évangiles de Lorsch (partagées entre le Vatican et le Victoria and Albert Museum, Londres) illustrent un art moins statique (Ascension de Darmstadt, à Saint-Michel de Leipzig).
La question de la localisation de l'école du palais de Charles le Chauve est encore ouverte : on a pensé à Saint-Amand, à Compiègne, à Senlis, mais les hypothèses en faveur de Reims ou de Saint-Denis paraissent les plus fondées. Parfois appelée groupe Liuthard, du nom d'un des scribes de Charles le Chauve, la seconde école palatine est représentée non seulement dans le domaine de l'enluminure et de la sculpture sur ivoire, mais aussi dans celui de l'orfèvrerie. On ne sait à quel peintre (peut-être Liuthard) attribuer les manuscrits enluminés pour Charles le Chauve et qui comportent tous un portrait du souverain : son psautier (Bibl. nat., lat. 1152), son livre d'heures (Residenz, Munich), le codex Aureus de Saint-Emmeran de Ratisbonne (Munich, Cl. 14000) et la Bible de Saint-Paul-hors-les-Murs (870 ?) s'inspirent à la fois de l'art rémois et de l'art tourangeau. Il faut ajouter à ce groupe le magnifique sacramentaire inachevé dit de Metz (Bibl. nat., lat. 1141). Le style tourmenté et tumultueux des ivoires provenant des reliures de ces manuscrits (Psautier de Charles le Chauve, Crucifixion de Munich, plaques de Zurich) ou issus du même atelier dérive étroitement de celui du Psautier d'Utrecht[...]
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Écrit par
- Danielle GABORIT-CHOPIN : conservateur au département des Objets d'art du musée du Louvre
Classification
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