ÉCOLE ET MOUVEMENT, arts
« Nous savons le soldat par son drapeau, l'artiste par son école », déclare, en 1863, le critique Jules-Antoine Castagnary, à propos de « la grande armée des paysagistes ». Exprimée à une époque où la notion d'école artistique commence pourtant à s'effriter, cette affirmation martiale témoigne de sa solidité, puisqu'elle a traversé les siècles. Depuis l'Antiquité, où la filiation du métier est essentielle, une école acquiert son existence par le rôle d'un ou de plusieurs maîtres : elle est, dira Baudelaire dans le Salon de 1846, une « force d'invention organisée [qui rassemble] des élèves unis par des principes communs, obéissant à la règle d'un chef puissant, et l'aidant dans tous ses travaux ». Selon l'historien de l'art français Louis Dimier (1865-1943), qui a consacré son œuvre à l'étude de l'art français, une école peut se définir comme « une production continue, gouvernée par un enseignement constant ».
Entre le style et la nation
À la reconnaissance de parentés stylistiques s'ajoute la considération de critères géographiques : avec la stricte délimitation topographique peut s'esquisser l'existence d'un « milieu », dont la pensée d'Hippolyte Taine (voir en particulier sa Philosophie de l'art, 1865-1869) a largement contribué à développer l'importance. Le compartimentage régional et national, tenant compte de la singularité des langues, des dispositions locales, de la particularité des expressions, régit en effet l'histoire des arts. Restée depuis l'Antiquité profondément municipale, l'Italie de la Renaissance maintient les particularismes de ses académies locales, évitant l'établissement d'une uniformité, malgré la circulation des idées et des styles. Dans la France du xviie siècle, rivale bientôt victorieuse de l'Italie, s'épanouit la notion d'« École française », éclairée par les figures de Nicolas Poussin, Charles Le Brun et Eustache Le Sueur.
Le xixe siècle, qui fut celui des nationalités, peut apparaître comme celui de grandes écoles nationales, puisant dans les annales de l'histoire, dans la description naissante d'un patrimoine ou dans le particularisme des coutumes le ferment d'une expression propre. Pourtant essentiellement attaché à « la vie des formes », qui établit entre les groupes nationaux et au-dessus d'eux « une sorte de communauté mouvante », l'historien de l'art Henri Focillon a ordonné son étude de La Peinture au XIXe siècle (1927) autour de ces écoles, sans négliger les foyers provinciaux. Ainsi a-t-il accordé à Lyon, où il fut professeur et conservateur, un intérêt particulier, car là s'est développé, dans la peinture religieuse, le « génie lyonnais », qui reflète l'« esthétique contradictoire et nuageuse » d'une ville. Loin de refuser ces regroupements, les artistes régionaux du xixe siècle les ont parfois constitués eux-mêmes, aidés par les élites locales, pour acquérir une consécration culturelle nationale et une position sur le marché. La fondation, en 1901, de l'École de Nancy, « Alliance provinciale des industries d'art », présidée par Émile Gallé, maître verrier, céramiste, ébéniste, en est un exemple significatif.
La naissance et le développement des musées ont participé à l'installation durable de cette notion. Avec la Révolution française s'impose le principe de la Galleria progressiva, c'est-à-dire d'un accrochage par écoles, suivant la chronologie, où la géographie artistique dicte un ordre de classement qui avait déjà été retenu dans les galeries princières de Düsseldorf et de Vienne au xviiie siècle. Inspectant les musées de province français au milieu du siècle suivant, Louis Clément de Ris déplore le désordre[...]
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Écrit par
- Christine PELTRE : professeur d'histoire de l'art contemporain à l'université des sciences humaines de Strasbourg
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