ÉCOLE ET MOUVEMENT, arts
Une notion revisitée
Le terme ancien d'école, dans son acception esthétique, qui semblait incontournable, a toutefois connu à l'époque contemporaine une contestation soutenue, d'abord menée par le milieu artistique. Le romantisme français a refusé l'emprisonnement scolaire d'une notion repeinte à neuf sous l'appellation de « jeune école ». Sur le mode ironique, la revue L'Artiste s'interroge en 1834 : « Est-il besoin d'une école de peinture en France ? » et conclut : « Pas d'école, pas d'art, pas de peinture ». Au vocable jugé désuet sont ensuite associées toutes sortes de déterminants : pour qualifier les adeptes de l'ingrisme, on parle d'« école du sec », tandis que les néo-grecs sont vus par Baudelaire comme « l'école des pointus » et que Champfleury se gausse de l'« école du calque ». En prenant la défense de Manet, Zola prévient en 1866 : « Je ne suis pour aucune école, parce que je suis pour la vérité humaine, qui exclut toute coterie et tout système. »
Avec la constitution de l'histoire de l'art en discipline autonome, la notion d'école est revisitée à la fin du xixe siècle. L'étude des voyages et de la mobilité des artistes, la prise en compte de métissages multiples dessinent une « Europe des peintres » plus internationale. On substitue les termes de « foyer » ou de « centre » à celui d'école, très associé à un idéal normatif qui survit dans l'enseignement académique. Les théories formalistes, qui s'attachent à la « pure visibilité », contribuent par ailleurs à diminuer l'importance de l'appartenance géographique à une école : l'historien de l'art autrichien Aloïs Riegl (1858-1905), en défendant le concept de « vouloir artistique » (Kunstwollen), puis l'Allemand Heinrich Wölfflin (1864-1945), en préconisant une « histoire de l'art sans noms » pour privilégier les « catégories optiques », évitent le classement selon le lieu d'activité et de formation. Même si ces deux auteurs ont accordé à la polarité Nord-Sud un rôle jugé aujourd'hui ambigu, ils s'écartent du traditionnel regroupement géographique. Plus récemment, certaines dénominations qui associent une activité créatrice à un lieu ont fait l'objet d'un nouvel examen. Le concept de Donauschule, désignant la production artistique des xve et xvie siècles dans le bassin du Danube, a été interprété par Pierre Vaisse (in Jean Delumeau dir., La Renaissance, 1996) comme une volonté de créer une identité artificielle autour de la manifestation d'une « âme allemande ». La référence à une sorte de patriotisme artistique apparaît aujourd'hui suspecte : ainsi l'exposition organisée en 2000 au musée d'Art moderne de la Ville de Paris sur l'École de Paris choisissait-elle d'atténuer l'autocentrisme de cette appellation en privilégiant, dans son sous-titre La part de l'autre.
Pour désigner les expressions collectives du xxe siècle, le terme d'« école » est rarement utilisé. On lui préfère celui de « mouvement », pour indiquer une tendance qui réunit un certain nombre de créateurs à une époque donnée et les mène dans une même direction. Moins organisé et moins délimité que l'école, moins restreint que le groupe, il reflète un dynamisme d'ensemble, une orientation choisie, à l'image de ceux du mouvement international Cobra de 1948 à 1951. Mais, preuve de sa vitalité, la notion d'école refait parfois surface pour désigner ceux-là mêmes qui en auscultent les composantes : ainsi parle-t-on d'« école de Vienne » pour évoquer la pépinière d'historiens de l'art dont firent partie Aloïs Riegl et Julius von Schlosser, et qui, autour de 1900, a renouvelé la réflexion théorique de la discipline.[...]
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Écrit par
- Christine PELTRE : professeur d'histoire de l'art contemporain à l'université des sciences humaines de Strasbourg
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