BOLOGNE ÉCOLE JURIDIQUE DE
Le centre d'enseignement juridique le plus illustre du Moyen Âge. Les débuts de l'université de Bologne restent mal connus : Ravenne et Pavie avaient sans doute pendant le haut Moyen Âge tenu la première place en Italie pour un enseignement du droit, d'ailleurs assez modeste ; l'étude du droit est attestée à Bologne dans les dernières décennies du xie siècle, après la découverte du Digeste, qui lui donne un essor sans précédent. Des « docteurs », simples particuliers, mais ayant parfois obtenu la maîtrise ès arts, enseignent le droit. L'un d'eux, Pepo, est signalé comme avocat en 1072 et comme docteur ès lois en 1076. Un peu plus tard, Irnerius inaugure la grande lignée des juristes bolonais. L'enseignement semble se développer à Bologne à partir d'institutions privées, et l'université y prolonge une école épiscopale ou est une création communale. Mais le Studium bénéficie rapidement de l'appui de la comtesse Mathilde de Toscane, vicaire de l'empereur pour l'Italie du Nord, puis de l'empereur Frédéric Barberousse, qui prend sous sa protection spéciale les maîtres et les étudiants se rendant à Bologne et les soustrait à la juridiction ordinaire pour les soumettre à celle de l'évêque ou des propres docteurs de l'université. Plus tard, la papauté intervient dans la vie de l'université soit pour contrôler l'enseignement du droit canon, soit pour soutenir les étudiants en conflit avec les autorités communales ; en 1291 et en 1310, des bulles pontificales autorisent les titulaires de grades obtenus à Bologne à enseigner dans toutes les universités.
L'université de Bologne, universitas scolarium, est une université d'étudiants, corporation puissante, qui élit son recteur, pris parmi ses membres. Les rapports des étudiants avec la commune, souvent difficiles, aboutirent parfois à des exodes en masse, qui seront à l'origine de nouvelles universités (Vienne, 1204 ; Arezzo, 1215 ; Padoue, 1222 ; Verceil, 1228). À l'intérieur de l'université, les « nations », à la fois confréries et groupements d'assistance, rassemblent les étudiants d'une même région (nation germanique, anglaise, provençale...) ; au milieu du xiiie siècle, on compte treize nations, signe de l'attrait que Bologne exerce sur toute l'Europe. Peu après 1230, les groupements d'étudiants se répartissent entre deux grandes Universitates, celle des Citra montani et celle des Ultra montani, qui toutes deux élisent leur recteur. L'enseignement juridique bolonais porte sur les « deux droits », romain et canonique. C'est à Bologne sans doute que fut composé (vers 1140, selon l'opinion la plus commune) le Décret de Gratien ; ses premiers commentateurs, les décrétistes, furent principalement des maîtres bolonais. On peut, outre Gratien, citer parmi les plus illustres maîtres bolonais du droit canon aux xiie et xiiie siècles : le Paucapalea, premier des décrétistes, qui composa avant 1148 une brève Somme commentant sommairement le Décret et ouvrant ainsi la voie à une longue série d'ouvrages du même genre ; Roland Bandinelli, le futur pape Alexandre III ; Rufin ; Johannes Bassianus, Bolonais d'origine qui enseigna dans sa ville natale le droit romain et le droit canonique ; Huguccio, auteur d'une Somme très importante et qui eut pour élève le futur Innocent III ; Richard l'Anglais, auteur d'importants traités composés entre 1190 et 1210 ; Alain l'Anglais ; Simon de Bisignano (mort en 1215) ; Jean de Galles ; Jean l'Allemand (mort en 1246) ; Sinibaldus Fiescus, le futur pape Innocent IV ; Vincent d'Espagne (mort en 1248) ; Laurent d'Espagne (mort en 1248) ; Raymond de Peñafort, le dominicain, qui compila, sur l'ordre du pape, les Décrétales de Grégoire[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Jean GAUDEMET : professeur à la faculté de droit et des sciences économiques de Paris, directeur d'études à l'École pratique des hautes études
Classification
Autres références
-
BOLOGNE UNIVERSITÉ DE
- Écrit par Jacques VERGER
- 813 mots
Au début du xiie siècle se produisit en Italie une renaissance des études juridiques dont Bologne fut le foyer principal. Les luttes politiques (papes contre empereurs, communes contre empereurs) poussaient les partis en présence à appuyer leur propagande sur des arguments de droit ; on rechercha...
-
CIVIL DROIT
- Écrit par Muriel FABRE-MAGNAN
- 9 077 mots
...écrasante révélation de l'Antiquité, dans un monde occidental qui lui était devenu complètement étranger, suscita immédiatement un immense travail de glose. L'école des glossateurs de Bologne marqua le premier moment de cette tradition reconstituée. Ce commentaire savant inaugura la science juridique en Occident.... -
IRNERIUS (1050 env.-env. 1130)
- Écrit par Jean GAUDEMET
- 282 mots
Juriste bolonais du début du xiie siècle, Irnerius est également connu sous les noms de Guarnerius et de Wernerius. On sait peu de chose de sa vie. Son nom figure dans des documents qui s'échelonnent entre 1112 et 1125. Il est alors signalé comme ayant participé à des plaids judiciaires en Italie...
-
ROMAIN DROIT
- Écrit par Jean GAUDEMET
- 6 341 mots
...plusieurs fois allégué en justice et que des recueils de textes utilisèrent Institutes, Code et Digeste. En même temps apparaissait l'école juridique de Bologne (fin xie s.) avec Irnerius (signalé par deux documents en 1118 et 1125). Brillant d'un vif éclat, elle s'affirme comme le principal centre d'étude...