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ÉCOLE LITTÉRAIRE

La notion d'école littéraire est rarement employée en un sens rigoureux. Qui dit école, en effet, dit ou devrait dire relation de maître à disciple(s), transmission réglée d'un enseignement. La littérature, dans la définition même la plus vague, se laisse assez mal décrire en ces termes – plus mal encore sans doute que la peinture, où l'équivalent « école picturale » peut du moins s'appuyer (certes pour largement les déborder) sur des pratiques d'atelier, de formation artisanale, et attachées à un lieu, ce qui est le sens premier du mot école. « École littéraire » sera donc plus ou moins synonyme de courant ou de mouvement littéraires, l'accent étant mis sur un degré plus affirmé d'organisation.

Dans certains cas, un écrivain émerge de tels courants et cristallise autour de lui un groupe qui, lui reconnaissant une autorité particulière, peut être qualifié d'école littéraire. Mais même alors l'appréciation peut varier : Stéphane Mallarmé, admiré de tous ceux qui lui rendaient visite en son appartement parisien de la rue de Rome, n'a pour autant jamais revendiqué un tel rôle, au lieu que deux écrivains de moindre envergure, René Ghil avec le Traité du Verbe (auquel le poète accepta cependant de donner une préface, Avant-Dire), et Jean Moréas avec le Manifeste littéraire, en 1866, semblaient se poser en chefs de file du symbolisme. À la même époque, Émile Zola affiche un tempérament tout différent. Le titre de l'un de ses premiers textes critiques publiés : Mes Haines (1886), dit assez sa volonté de publicité et de combat ; dans les années 1876-1884, qui marquent l'apogée de son œuvre romanesque, il réunit autour de lui des écrivains plus jeunes qui, l'effet générationnel aidant, le reconnaissent spontanément comme leur maître (lui-même invoque Flaubert, mais l'homme est un solitaire, très peu disposé à jouer les meneurs, et indépendant de toute théorie). Le groupe se fait connaître par une publication collective, Les Soirées de Médan (1880), d'après le nom du lieu de résidence de Zola, à l'ouest de Paris. Ce « groupe de Médan » n'est autre que « l'école naturaliste », qui disparaît avec le rejet par le Manifeste des Cinq (J. H. Rosny, Paul Marguerite, Lucien Descaves, Paul Bonnetain, Gustave Guiches) de l'évolution de Zola vers « l'immondice », avec son roman La Terre (1893).

Des mouvements aussi structurés en apparence que le Nouveau Roman ont pourtant refusé l'appellation : « ce n'est pas un groupe, ni une école, écrit Jean Ricardou (Le Nouveau Roman, 1973). On ne lui connaît pas de chef, de collectif, de revue, de manifeste... ». D'autres en font un usage ironique, comme les poètes de la modeste « école de Rochefort » dont René-Guy Cadou – il est vrai instituteur de profession – écrivit à sa naissance, en 1941, qu'elle n'était « tout au plus qu'une cour de récréation » – un peu à la manière (la dérision en moins) dont les pataphysiciens revendiquent l'appartenance à un « collège ». Et l'on est forcé de constater que les écrivains contemporains qui pourraient le plus aisément s'identifier à une école, par la rédaction d'un manifeste, des publications collectives, l'identification de chefs de file (François Le Lionnais, Raymond Queneau) – soit les membres de l'Oulipo –, lui préfèrent le terme rare d'ouvroir. S'agit-il d'une même notion sous différents noms ? Ou bien le choix des oulipiens (le mot est dérivé du verbe œuvrer, qui dit mieux sans doute leur conception de l'écriture comme opération, procédé, travail en cours, et du collectif comme atelier), indique-t-il des nuances, des spécificités qu'il faudrait respecter ?

Un mode de périodisation

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