ÉCOLE LITTÉRAIRE
Cénacle, académie, chapelle
Le vague de l'école occuperait ainsi une position médiane entre l'académie (qui marque un degré maximal d'institutionnalisation) et la « chapelle » (qui se caractérise par une institution autoproclamée, peu ou pas reconnue en dehors de ses membres). Le terme d'académie désigne bien à l'origine – le grec Akademia – une école, c'est-à-dire un lieu d'enseignement, en l'occurrence celui de Platon à Athènes. Les cercles lettrés de la Renaissance se l'approprient. Avec l'absolutisme français, le voici réservé à la reconnaissance officielle : l'Académie française, l'Académie des sciences, etc. Une sociologie de la littérature à l'âge classique apprend à distinguer d'autres « institutions » dans le « champ littéraire » : le mécénat et surtout le salon, un lieu comme l'académie, mais qui ne fait « place à la littérature qu'au milieu d'autres pratiques de sociabilité » (Alain Viala).
L'apparition de lieux de sociabilité spécifiquement littéraires, qui se démarquent à la fois des salons et de la reconnaissance officielle, est l'une des manifestations de l'autonomie acquise par la littérature, et de la conscience de soi de l'écrivain. C'est, à l'époque du romantisme, ce que l'on appelle le « cénacle » (terme dont l'étymologie, empruntée au latin d'Église, dénote la vertu sacralisante : le cenaculum désigne la salle de la Sainte Cène). À Paris, l'histoire littéraire retient en effet sous le nom de Premier Cénacle le salon de l'Arsenal, où Charles Nodier, qui y logeait comme directeur de la bibliothèque, accueillait notamment Alfred de Vigny et les frères Deschamps : laboratoire, vers 1823, de ce qu'on appelle couramment « l'école romantique » ; le même Nodier réunit ensuite en 1829, dans un « second Cénacle », les figures plus affirmées de Sainte-Beuve, Hugo, toujours Vigny, et des artistes comme Achille Devéria ou David d'Angers. Il a sa revue, La Muse française ; ses imitateurs, le « petit Cénacle » autour de Petrus Borel, dans l'atelier d'un sculpteur. Victor Hugo reçoit de son côté rue Notre-Dame-des-Champs, où se préparera la bataille d'Hernani (1830). Nerval a décrit la vie de bohème au lieu dit « le Doyenné », près du Louvre. De son côté, le salon de Mme Récamier, animé par Chateaubriand, peut être assimilé à un cénacle conservateur. Les jeunes romantiques, quant à eux, ont des convictions libérales, voire républicaines. Balzac a qualifié d'« école du désenchantement » le cercle de Nodier, durement frappé par la désillusion qui a suivi la révolution de 1830, dont Paul Bénichou a suivi la trace chez les plus grands, jusqu'à Baudelaire.
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Écrit par
- François TRÉMOLIÈRES : professeur de littérature française du XVIIe siècle, université Rennes-2