MÉTHODIQUE ÉCOLE, histoire
La diffusion de l'histoire méthodique jusqu'au cœur de la nation républicaine
Le triomphe de la première lecture résulte essentiellement de l'efficacité de l'école méthodique à tous les niveaux de la recherche et de l'enseignement, avant même que Langlois et Seignobos ne la résument. Ce succès est d'abord le fruit de la Revue historique, fondée en 1876 par Gabriel Monod, sur le modèle de l'HistorischeZeitschrift allemande (1859). Selon les vœux de son fondateur, la revue effectue une véritable discrimination entre les œuvres historiques selon leur qualité. Ses comptes rendus d'ouvrages, distinguant le bon grain de l'ivraie, délimitent progressivement les critères d'une histoire scientifique. Autour de la Revue historique se constitue un véritable réseau de collaborateurs. Des revues savantes plus spécialisées telles que Le Moyen Âge (1881), la Revue d'histoire moderne et contemporaine (1899) sont publiées, et une sociabilité au sein d'institutions savantes (Société d'histoire moderne et contemporaine, 1901) se développe.
Ce réseau universitaire bénéficie de la place privilégiée que la République accorde à l'histoire dans les réformes successives du système d'enseignement. À la fois conséquence et cause du phénomène, les historiens méthodiques occupent des positions clés dans le dispositif de réforme : par exemple, Charles Seignobos est l'inspirateur des programmes scolaires de la réforme de 1902, Ernest Lavisse se trouve à la tête de la direction de l'enseignement supérieur et fait de l'agrégation d'histoire le modèle des autres agrégations. Parmi tous les enseignements des facultés des lettres, l'histoire bénéficie de créations de chaires plus nombreuses et autorise des carrières d'enseignement supérieur plus rapides. De plus, l'empire de la méthode historique semble s'étendre à toutes les disciplines littéraires.
Cet imperium historique tient autant à la mission nationale dont sont investis les historiens méthodiques qu'à leur statut scientifique. Ernest Lavisse résume ainsi son dogme en la matière en 1880 : « ... l'effet salutaire de ce que nous faisons ici, en Sorbonne, sera ressenti quelque jour dans la plus humble école du plus humble village. J'aime à revenir à cette idée. On me reprochera d'être utilitaire : je le suis en effet. J'ai [...] cette ambition que nous contribuons à la fois au progrès de la science historique française et de notre enseignement national ». Ses travaux (son Histoire de France, rédigée par les auteurs des thèses les plus consacrées de l'université ou le « petit Lavisse », bréviaire d'histoire nationale à l'usage du primaire) illustrent à merveille cette ambition et révèlent également le lien entre la République et l'école méthodique.
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Écrit par
- Olivier LÉVY-DUMOULIN : professeur des Universités en histoire contemporaine, Institut d'études politiques, université de Lille-II
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