RĀJPUT ÉCOLE
La peinture pahārī
La plus ancienne école de l'art pahārī est celle de Basohli, dont les premiers témoignages remontent à la fin du xviie siècle (illustration d'un rāsamangari, « Histoire du héros et de l'héroïne », 1690). La vigueur des tons employés, avec prédominance du rouge et du jaune (symbole de l'intensité des sentiments éprouvés par les protagonistes), les gestes saccadés, les visages au front fuyant prolongé par un nez étroit, avec de grands yeux en forme de poisson, la pupille noire se détachant sur un fond blanc, l'arcade sourcilière accentuée sont, avec les fonds souvent unis, les arbres stylisés, l'horizon très haut, les caractéristiques principales de cet art.
Ce style se perpétua dans plusieurs États du Pañjāb jusqu'au milieu du xviiie siècle, mais ce fut certainement l'État de Kulu son héritier spirituel le plus authentique. En s'assagissant, cet art perdra de sa verve et de son originalité.
Situé au sud de Kāṅgrā, l'art de Guler fut favorisé par sa position géographique : en effet, sa proximité des plaines le laissait ouvert aux influences extérieures ; sa situation dans les collines lui assurait aussi une sécurité propice au développement des arts. À la suite du sac de Delhi par le shāh persan Nadir en 1739, des familles entières d'artistes émigrèrent au Pañjāb. C'est grâce à ce phénomène que naquit l'art de Guler, qui date de 1740-1770 environ. De nombreux et beaux portraits, notamment ceux du souverain Goverdhan Chand (1745-1773) furent exécutés, ainsi que des œuvres attachantes illustrant des scènes d'intimité ou des épisodes de la vie de Kṛṣṇa. Les femmes ne sont pas très grandes, assez dodues ; leur visage comporte un front souvent orné d'un bijou, un nez droit plutôt court et un menton bien dessiné et arrondi. Le traitement du paysage et de la perspective relèvent à la fois des techniques moghole et européenne. Le style de Guler se distingue par la douceur, la fraîcheur, la stabilité, une retenue et une sobriété dans l'expression des sentiments et des gestes, une composition claire qui groupe peu de personnages. L'évolution vers des silhouettes beaucoup plus élancées, une tête trop petite, le traitement du paysage plus précieux annoncent le style de Kāṅgrā.
L'art de Kāṅgrā apparut aux environs de 1770 et se poursuivit jusqu'au début du xxe siècle. Son âge d'or se situe entre le début du règne de Sansar Chand, en 1775, et 1805, date à laquelle les Ghurkas envahirent son État et amenèrent les Sikhs quelques années après à devenir les maîtres du pays. Sansar Chand fut un grand mécène et un dévot passionné de Kṛṣṇa ; il commanda à ses artistes de nombreuses scènes de différents épisodes de la vie de cette divinité. Dans cet art la femme est reine, représentant à satiété Rādhā et ses compagnes. De type svelte avec un visage peu expressif, au nez droit en prolongement du front, la silhouette féminine devient avec le temps plus ramassée. Les personnages, vêtus d'habits aux couleurs vives et variées, évoluent dans une nature exubérante, riche de symbolisme, influencée par l'art moghol et européen. Il se dégage de cette peinture une tendresse, une joie de vivre, une vitalité et un rythme auxquels il est difficile de rester insensible.
Il faut attendre le règne de Raj Singh (1764-1794) pour que l'art de Chambā trouve son style. Dans les miniatures, les visages des personnages ont une bouche petite, des paupières courbes, des sourcils arqués et le menton rond. L'arrière-plan, formé souvent de vallonnements parallèles qui atteignent le ciel, donne de la profondeur au paysage, mais en même temps l'asphyxie.
Très proche de celui de Kāṅgrā, l'art de Tehri Garhwāl donne sa plus belle production entre 1780 et 1803, date de l'invasion des Ghurkas.[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Andrée BUSSON : licenciée ès lettres, chargée de mission au musée Guimet
Classification
Médias