Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

SIENNOISE ÉCOLE

Naissance d'un « langage » moderne

Avec Pietro et Ambrogio Lorenzetti, la peinture siennoise s'est définie par rapport à l'événement figuratif le plus révolutionnaire du xive siècle : le style réaliste et populaire (volgare) de Giotto. Il leur revient, en effet, d'avoir pris pleine conscience de la nouvelle situation historique déterminée par celui-ci et d'en avoir ressaisi les principes en dehors de tout souci d'imitation, en échappant au concept même, fût-il élargi, d'« école de Giotto », pour arriver à créer un langage « moderne » typiquement italien, c'est-à-dire qui ne fût ni byzantin ni gothique, mais largement et immédiatement accessible et capable de refléter fidèlement les goûts particuliers des deux artistes en même temps que le patrimoine moral de la cité où ils étaient nés et où ils travaillèrent le plus.

Pietro Lorenzetti

Pietro – probablement l'aîné, si c'est bien à lui que se rapporte un document de 1306 – dut se former dans l'orbite de Duccio, dont les agencements iconographiques sont repris librement dans les six Histoires de la Passion du Christ peintes à la voûte du bras gauche du transept de la basilique inférieure d'Assise ; ces fresques, ainsi qu'une Vierge entre deux saints dans la chapelle Orsini de la même basilique, sont habituellement tenues par la critique pour les témoignages les plus anciens qui soient restés de l'activité de Pietro. Quoi qu'il en soit, la première œuvre qu'on peut lui attribuer avec certitude est le grandiose polyptyque peint en 1320 pour Santa Maria della Pieve à Arezzo et dont les personnages, par leur humanité ardente, bien que retenue, comme par la plastique intense et comprimée des formes, s'apparentent à la sculpture de Giovanni Pisano. Après quelques années pour lesquelles sa présence à Sienne est attestée, l'artiste dut revenir, entre 1326 et 1329, à Assise pour y terminer le cycle de la Passion du Christ : la Déposition de la croix, l'Ensevelissement, la Résurrection, la Descente aux limbes et la monumentale Crucifixion comptent parmi les plus hautes expressions du génie dramatique du xive siècle italien, et leur modelé vigoureux et sec réapparaît dans une autre Crucifixion peinte à fresque dans l'église Saint-François de Sienne, probablement en 1331. Mais dans le resplendissant retable qui fut exécuté deux ans auparavant (1329) pour l'église de Santa Maria del Carmine à Sienne et qui est aujourd'hui à la pinacothèque de la ville, la plastique concise, rude et parfois même sévère que Pietro avait acquise par ses contacts avec l'art de Giotto et en vertu d'une certaine parenté de talent avec Giovanni Pisano tendait déjà à se dissocier en des compositions plus fragmentées et en un sentiment subtilement rythmique de la ligne, tandis que, dans les admirables historiettes de la prédelle de cette pala, l'artiste revenait tout simplement, en la développant avec une meilleure connaissance de la perspective, à la vision lyrique du Duccio de la prédelle et du couronnement de la Maestà. En 1335, il peignit avec Ambrogio, sur la façade de l'église de la Scala, les Histoires de la Vierge, qui furent détruites au xviiie siècle ; avec une intelligence encore plus aiguë de l'espace, il réalisa entre 1335 et 1342 le triptyque de la Nativité de Marie pour la cathédrale de Sienne (aujourd'hui au musée de l'Opéra del Duomo). L'un des derniers chefs-d'œuvre de Pietro est la Vierge à l'enfant entre quatre petits anges (1340), autrefois à Pistoie et maintenant aux Offices : la plastique inspirée de Giotto s'y allie avec la resplendissante pureté du coloris siennois, en une vision de souverain équilibre, de fermeté dans la construction, de suave et radieuse gravitas.

Ambrogio Lorenzetti

La première œuvre qui subsiste[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur à l'université de Sienne, ancien surintendant aux Beaux-Arts de Sienne et Grosseto

Classification

Médias

<it>Madone Rucellai</it>, Duccio di Buoninsegna - crédits :  Bridgeman Images

Madone Rucellai, Duccio di Buoninsegna

<it>La Crucifixion</it>, Duccio di Buoninsegna - crédits :  Bridgeman Images

La Crucifixion, Duccio di Buoninsegna

<it>Guidoriccio da Fogliano</it>, S. Martini - crédits : DeAgostini/ Getty Images

Guidoriccio da Fogliano, S. Martini

Autres références

  • BECCAFUMI DOMENICO (1486 env.-1551)

    • Écrit par
    • 282 mots

    Peintre et sculpteur italien né vers 1486 à Montaperti, mort en mai 1551 à Sienne.

    De son vrai nom Domenico di Pace, Beccafumi est le fils de Giacomo di Pace, paysan installé près de Sienne. Il prend le nom de son protecteur Lorenzo Beccafumi, propriétaire des terres où vit sa famille. Vers...

  • DUCCIO DI BUONINSEGNA (1255 env.-env. 1318)

    • Écrit par
    • 1 374 mots
    • 4 médias

    Le Siennois Duccio di Buoninsegna fut, avec Giotto son contemporain, l'un de ces esprits novateurs à qui la peinture italienne doit son affranchissement de la tradition byzantine alors décadente. Héritier conscient d'une civilisation figurative que l'usure des siècles lui transmettait sous la forme...

  • FRANCESCO DI GIORGIO MARTINI (1439-1502)

    • Écrit par
    • 419 mots
    • 1 média

    Près de son maître Vecchietta, Francesco di Giorgio apprit la peinture et la sculpture, qu'il pratiqua surtout au début de sa carrière, avant de se consacrer à l'architecture civile et militaire. Jusqu'en 1475, il dirigea un atelier de peinture, à Sienne, avec Neroccio di Bartolomeo. Il fut...

  • GIOVANNI DI PAOLO (1399 env.-1482)

    • Écrit par
    • 447 mots

    Peintre italien né vers 1399 à Sienne, mort en 1482 à Sienne, Giovanni di Paolo exprime dans ses peintures religieuses l'intensité mystique et le style conservateur caractéristiques de la peinture décorative gothique, en dépit de la tendance au naturalisme scientifique et à l'humanisme classique...

  • Afficher les 10 références