- 1. Une planète dominée par l'homme
- 2. La biodiversité ébranlée
- 3. L'écologie : science subversive ?
- 4. Vers une science citoyenne
- 5. Prendre en compte les services écologiques
- 6. L'évaluation des écosystèmes pour le millénaire
- 7. L'écologie, foyer d'effervescence scientifique
- 8. Sauver la biodiversité
- 9. S'inspirer de la nature
- 10. Vers une écologie de la santé
- 11. Réconcilier l'homme et la biosphère
- 12. Bibliographie
ÉCOLOGIE ET SOCIÉTÉ
L'écologie, comme science et vision du monde, a un destin singulier. Fondée dans la seconde moitié du xixe siècle, dans les remous d'une révolution industrielle qui va peu à peu mais inexorablement façonner notre monde, elle constitue une réponse de la communauté scientifique, alors largement pluridisciplinaire, aux interrogations que soulève un développement que d'aucuns, dans le sillage de l'Anglais Thomas Robert Malthus (1766-1834), soupçonnent d'être non soutenable. Après les années 1950, elle s'affirme dans ses dimensions purement biologiques, naturalistes devrait-on dire. L'homme en est alors exclu, ainsi que ses sociétés et ses œuvres qui sont laissées aux bons soins de l'économie.
Puis, portée par divers courants – qui puisent leurs racines, côté Europe, chez Vladimir Ivanovitch Vernadsky (1863-1945) et, côté Nouveau Monde, chez les frères Eugene (1913-2002) et Howard (1924-2002) Odum –, en réponse à diverses préoccupations ou inquiétudes sociétales qui transparaissent dans leur dimension planétaire aux sommets de Stockholm (1972) puis, surtout, de Rio (1992), l'écologie amorce un revirement. Ce dernier succède à l'émergence de la « biologie de la conservation » et des concepts de biodiversité et de développement durable apparus dans la décennie 1980. Il est confirmé, pour ce qui est de l'écologie scientifique, par la SustainableBiosphere Initiative – qui est un agenda pour un développement durable à l'échelle de la planète lancé par la société américaine d'écologie en 1991 –, puis, surtout, par le Millennium EcosystemAssessment (2000-2005), rapport sur l'évaluation des écosystèmes, qui relie explicitement écologie et bien-être humain à travers le concept de service écologique (ou service écosystémique).
La boucle est bouclée, la révolution est accomplie. Mais c'est d'une autre écologie qu'il s'agit, d'un champ singulièrement élargi et largement ouvert à toutes les disciplines scientifiques, comme ce fut le cas à la fin du xixe et au début du xxe siècle. Ce renouveau s'inscrit clairement dans un contexte planétaire et touche donc au politique. Il consacre, d'un côté, le retour de l'homme et de ses sociétés dans le champ des questionnements écologiques et désigne, de l'autre, l'objectif et l'amorce d'une réconciliation de la société industrielle avec la nature. C'est, du moins, la perspective qui s'ouvre en ce début de IIIe millénaire marqué par la domination de l'homme sur la planète Terre et la recherche d'un « développement durable ».
Pourquoi et comment a pu s'imposer ce développement que l'on reconnaît aujourd'hui comme non durable ? Un développement qui compromet la qualité de vie et les perspectives des générations futures. Parce que, avec les « miracles » de l'industrialisation, l'homme s'est cru étranger à la nature et indépendant d'elle. Quelle est donc la première condition d'un développement qui pourrait être durable ? Sûrement une réconciliation de l'homme avec la nature, et c'est ce que l'écologie devrait permettre.
Une planète dominée par l'homme
Une évidence s'est imposée peu à peu au cours de la seconde moitié du xxe siècle : par ses impacts sur la biosphère, l'homme est devenu une force majeure dans la dynamique planétaire. Et les effets de cette dynamique pourraient mettre en cause les bases et les conditions mêmes du développement de l'espèce humaine (fig. 1 et 2).
On peut aborder cette réorientation vers un développement durable de diverses façons : par la sociologie, par l'économie, par l'analyse philosophique ou politique... L'angle d'attaque qui sera ici privilégié est celui de l'écologie. Et cela pour plusieurs raisons : parce que cette[...]
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Écrit par
- Robert BARBAULT : professeur à l'université de Paris-VI-Pierre-et-Marie-Curie, directeur du département écologie et gestion de la biodiversité, Muséum national d'histoire naturelle, Paris
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Médias