- 1. Une planète dominée par l'homme
- 2. La biodiversité ébranlée
- 3. L'écologie : science subversive ?
- 4. Vers une science citoyenne
- 5. Prendre en compte les services écologiques
- 6. L'évaluation des écosystèmes pour le millénaire
- 7. L'écologie, foyer d'effervescence scientifique
- 8. Sauver la biodiversité
- 9. S'inspirer de la nature
- 10. Vers une écologie de la santé
- 11. Réconcilier l'homme et la biosphère
- 12. Bibliographie
ÉCOLOGIE ET SOCIÉTÉ
La biodiversité ébranlée
Tissu vivant de la planète, la biodiversité est constituée d'un réseau de millions d'espèces en interaction directe ou indirecte. L'homme fait partie intégrante de ce réseau ; il en dépend et, surtout, le menace : morcellement et dégradation des écosystèmes et des paysages, pollution des eaux et des sols, propagation d'espèces exotiques qui deviennent envahissantes, surexploitation des populations d'espèces ressources et changements climatiques. Autant de facteurs qui conduisent à une érosion accélérée de la biodiversité. On parle de sixième extinction en masse. Les cinq premières, reconnues par les paléontologues au cours de ces 700 derniers millions d'années, ont fait disparaître, à chaque fois, de 70 à 95 p. 100 des faunes et flores de ces lointaines époques. Mais ces crises biologiques s'étalaient sur des centaines de milliers d'années, voire des millions d'années.
Bien différente est la crise actuelle, provoquée par le succès démesuré et les excès d'une seule espèce, Homo sapiens, et non par quelques cataclysmes géologiques (éruptions volcaniques de grande ampleur par exemple) ou astronomiques (impacts d'astéroïdes). Une crise qui accompagne l'homme et s'apprécie à l'échelle des décennies antérieures et du siècle en cours, ce qui est bien loin des milliers de siècles évoqués pour les extinctions précédentes. Les taux d'extinction des espèces animales et végétales actuels sont de l'ordre de 100 à 1 000 fois supérieurs aux taux moyens « naturels » estimés pour des groupes comparables à partir des registres fossiles. Les pertes concernent plus ou moins tous les groupes et toutes les régions avec cependant des pics dans quelques cas particuliers – primates dans les pays tropicaux et espèces des milieux d'eau douce, par exemple. Des quelque mille cas d'extinctions historiques recensés, la plus grande part touche les milieux insulaires. Actuellement et pour les décennies à venir, les espèces les plus exposées sont celles qui sont inféodées à des habitats menacés de destruction – forêts tropicales, récifs coralliens et écosystèmes d'eau douce. Rien n'indique un fléchissement dans cette tendance générale et on s'attend à un nouveau décuplement des taux d'extinction dans les décennies et siècles à venir. Pour les groupes les mieux connus et les plus suivis, les spécialistes s'accordent pour déclarer que les oiseaux seraient les moins touchés (12 p. 100 d'extinctions attendues), tandis que les mammifères pourraient enregistrer 23 p. 100 de pertes d'espèces et les amphibiens jusqu'à un tiers des espèces. Cette sixième crise, dont l'homme est responsable, l'affecte mais celui-ci peut l'infléchir : telle est la prise de conscience qui a marqué peu à peu l'écologie des décennies 1970-1980 et donne lieu aujourd'hui, de proche en proche, à de profonds renouvellements. La biologie de la conservation et l'émergence de deux concepts cruciaux, la biodiversité et le service écologique, ont ainsi transformé l'écologie tout entière et ses relations avec la société.
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Écrit par
- Robert BARBAULT : professeur à l'université de Paris-VI-Pierre-et-Marie-Curie, directeur du département écologie et gestion de la biodiversité, Muséum national d'histoire naturelle, Paris
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Médias