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ÉCOLOGIE ET SOCIÉTÉ

Prendre en compte les services écologiques

« Alors que l'on commence à réaliser la façon intime avec laquelle l'humanité dépend des systèmes écologiques de la planète, il devient de plus en plus évident que de nombreuses questions que nous avions considérées jusque-là comme indépendantes de l'environnement sont intimement connectées avec lui. La santé humaine, l'économie, la justice sociale et la sécurité nationale ont toutes d'importants aspects environnementaux dont l'ampleur est habituellement négligée », écrivait l'écologue américaine Jane Lubchenco en 1998. La science, et particulièrement l'écologie, ne peuvent plus l'ignorer. Pour cette dernière, cela supposait de reconnaître et d'intégrer le rôle central des systèmes sociaux dans la dynamique de la biosphère et de renouveler ses approches en conséquence (fig. 3). Ce changement de perspective devait aboutir très logiquement à la mise en avant du concept de service écologique.

L'écologue américaine Gretchen Daily, quant à elle, définissait en 1997 les services écologiques (ecosystem services) ainsi : ce « sont les conditions et processus à travers lesquels les écosystèmes naturels, et les espèces qui les constituent, soutiennent et permettent la vie humaine. Ils maintiennent la biodiversité et la production de biens écologiques tels que les fruits de mer, le fourrage, le bois, les combustibles issus de la biomasse, les fibres naturelles et de nombreux produits pharmaceutiques et industriels ainsi que leurs précurseurs. L'exploitation, la récolte et le commerce de ces biens représentent une part importante et familière de l'économie humaine. En plus de la production de biens, les services fournis par les écosystèmes incluent des fonctions qui sont de réels supports de vie, telles que la purification, le recyclage et le renouvellement de l'eau et de la matière organique, mais aussi d'autres qui confèrent de nombreux bénéfices intangibles d'ordre esthétique et culturel ».

De fait, les hommes profitent de la nature de multiples façons : esthétiquement et culturellement ; par le biais de services écosystémiques tels que la régulation des climats, la formation des sols, le recyclage des nutriments, la purification de l'eau ; par l'exploitation ou la récolte directe d'espèces sauvages pour construire maisons et outils (bois, fibres végétales), pour se vêtir (peaux et fibres variées), se nourrir ou produire des médicaments. Face aux pressions croissantes des sociétés humaines sur les écosystèmes, ces biens et services devraient opérer comme des incitations puissantes à conserver la nature, à ceci près que leur évaluation s'avère difficile puisque, pour l'essentiel, ils ne sont pas appréhendés par les estimateurs économiques traditionnels : ils sont hors marché. C'est ce constat qui suscita l'émergence, dans les années 1990, d'un nouveau champ scientifique, à l'interface de l'économie et de l'écologie : l'économie écologique. Celle-ci a pour but de promouvoir des stratégies de gestion et de développement écologiquement fondées et socialement acceptables. En 1997 était publié dans la revue anglaise Nature un article fort remarqué et discuté qui marque la naissance effective d'une économie appliquée aux systèmes écologiques. Il s'agissait d'une impressionnante synthèse d'une centaine de tentatives d'évaluation monétaire des biens et services de l'ensemble des écosystèmes du globe. En partant d'études de cas conduites à travers les seize biomes définis (savanes, forêts tropicales, steppes, etc.) pour chacun des dix-sept services identifiés (production d'aliments, régulation des perturbations, pollinisation des fleurs et fruitiers, contrôle biologique de ravageurs potentiels, etc.), l'équipe de l'Américain Robert Costanza aboutissait, en[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-VI-Pierre-et-Marie-Curie, directeur du département écologie et gestion de la biodiversité, Muséum national d'histoire naturelle, Paris

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Médias

Marché au poissons, Tōkyō - crédits : Glowimages/ Getty Images

Marché au poissons, Tōkyō

Déforestation à Guiroutou, Côte d'Ivoire - crédits : P. Poilecot/ CIRAD

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Réserve de biosphère du mont Ventoux - crédits : P. Aguilar/ SMAEMV

Réserve de biosphère du mont Ventoux