- 1. Une planète dominée par l'homme
- 2. La biodiversité ébranlée
- 3. L'écologie : science subversive ?
- 4. Vers une science citoyenne
- 5. Prendre en compte les services écologiques
- 6. L'évaluation des écosystèmes pour le millénaire
- 7. L'écologie, foyer d'effervescence scientifique
- 8. Sauver la biodiversité
- 9. S'inspirer de la nature
- 10. Vers une écologie de la santé
- 11. Réconcilier l'homme et la biosphère
- 12. Bibliographie
ÉCOLOGIE ET SOCIÉTÉ
S'inspirer de la nature
Ingénierie écologique et agricultures vertes ont en commun de se recommander de l'écologie. Si seule la première s'est déjà incarnée en une science émergente, on peut considérer que toutes les initiatives qui prônent une alternative à l'agriculture industrielle intensive sont appelées à s'inscrire dans cette mouvance-là.
L'ingénierie écologique repose sur la conception d'écosystèmes durables qui intègrent les sociétés humaines et leur environnement naturel pour le bénéfice des deux parties (Mitsch et Jørgensen, 2003). Elle implique la restauration ou la création de systèmes écologiques « soutenables » à la fois pour les humains et pour la nature. L'expression ingénierie écologique aurait été forgée dès les années 1960 par Howard Odum : « ingénierie » parce qu'il y a conception de protocoles d'intervention, mobilisation d'artifices ou de techniques ; et « écologique » parce que l'on s'inscrit dans le cadre d'une science qui est l'écologie. Il entend mobiliser sinon absorber d'autres disciplines ainsi que des secteurs et compétences techniques ignorés de l'écologie naturaliste classique : pédologie, hydrologie, agronomie, géographie, économie, sociologie et sciences politiques... En ce sens, il paraît préférable de parler de « sciences pour l'ingénierie des systèmes écologiques » (Barbault et Pavé, 2003).
Quant à l'agriculture qui, avant sa « reconversion » industrielle, pouvait être tenue pour l'ancêtre et le précurseur de cette ingénierie écologique, elle est traversée aujourd'hui par de sérieuses interrogations : « Il y a quelque chose d'erroné dans notre agriculture et ses systèmes de production alimentaire. En dépit de gros progrès dans l'accroissement de productivité au cours du siècle écoulé, des centaines de millions de gens souffrent encore de la faim et de malnutrition. Des centaines de millions d'autres mangent trop, ou des aliments qu'il faudrait éviter, ce qui nuit à leur santé. Celle de l'environnement en souffre également, puisque des dégradations accompagnent beaucoup des systèmes de production agricole que nous avons développés ces derniers temps. Ne peut-on rien faire ? N'est-il pas temps de promouvoir un autre type d'agriculture, davantage basé sur des principes écologiques et en harmonie avec les gens, leurs sociétés et leurs cultures ? » (Pretty, 2002).
Il ne s'agit pas là, certes, d'une idée nouvelle. Beaucoup se sont préoccupés dans le passé de concevoir et développer des systèmes agricoles à la fois productifs et soutenables – et souvent avec succès. La nouveauté est dans la montée en puissance de ces initiatives qui s'écartent du modèle de l'agriculture intensive de type industriel. Ce qui les caractérise est une même inspiration écologique, dont le concept de révolution doublement verte est le paradigme le plus actuel. Les technologies de la première révolution verte, mise en place dans les années 1960, ont été développées dans des stations d'expérimentation où elles bénéficiaient du « confort » de l'agriculture industrielle classique : apports de fertilisants, d'eau et de pesticides. Il n'y avait pas ou guère de considération pour la complexité et la diversité des environnements naturels des agriculteurs et moins encore de la réalité de leurs environnements économiques et sociaux (Dufumier, 2004). La nouvelle révolution verte, prônée par Gordon Conway (1997) et Michel Griffon (2006), doit non seulement profiter directement aux agriculteurs démunis mais être applicable dans des conditions très variées et selon des modalités respectueuses de l'écologie et de la biodiversité des régions concernées. Cela suppose qu'elle fasse le plus grand usage des ressources locales, complétées[...]
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Écrit par
- Robert BARBAULT : professeur à l'université de Paris-VI-Pierre-et-Marie-Curie, directeur du département écologie et gestion de la biodiversité, Muséum national d'histoire naturelle, Paris
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Médias