UNGERSHEIM ÉCOMUSÉE D'
En 1971, quelques étudiants mulhousiens se mettent au service de l'habitat rural menacé. Ils réhabilitent de vieilles maisons pour en faire des gîtes ou des logements sociaux, et en démontent d'autres promises à la démolition. L'association Maisons paysannes d'Alsace commence ainsi une « collection », et cherche pour elle un site d'accueil. Ce sera, sur la commune d'Ungersheim (Haut-Rhin), une friche industrielle n'offrant ni bâtiment ancien, ni paysage attrayant, ni potentialités touristiques.
Trois ans plus tard, dix maisons sont reconstruites. Grâce à une subvention du conseil général et aux aides bénévoles, une dizaine d'autres sont mises en chantier, et le musée ouvre en juin 1984. Le succès est immédiat : 75 000 visiteurs en six mois. En 1989, la superficie de l'écomusée passe de dix à une centaine d'hectares avec l'acquisition du carreau Rodolphe aux Mines domaniales de potasse. Localité nouvelle sur la carte de l'Alsace, le « village » d'Ungersheim compte maintenant soixante-dix constructions, où passent chaque année 400 000 visiteurs.
Ces constructions sont disposées en quartiers autour d'une place centrale, chaque quartier représentant un des « pays » d'Alsace : le Sundgau, proche du Jura, le piémont des Vosges, le Kochersberg, etc. Outre ses bâtiments agricoles, artisanaux, villageois ou bourgeois, chaque pays est évoqué par son environnement de jardins, ses cultures, ses chemins. Deux itinéraires s'offrent au promeneur. L'un circule à travers ces maisons, leurs vergers, leurs cours pleines d'animaux et de machines agricoles. L'autre conduit en barque au fil d'une rivière aux berges peuplées d'oiseaux, jusqu'à une maison de pêcheurs et à une auberge paysanne. On passe près de la roue à aubes de la scierie, on voit les lumières de manèges forains.
Marc Grodwohl, auteur de ce jardin magique, a voulu créer ici plus et autre chose qu'un musée : un lieu où l'on s'abstienne de juger la valeur esthétique et affective des choses. La forge est, par exemple, celle du temps de la motorisation et la scierie, plus qu'une reconstitution : on y débite des pièces de charpente. Pour cette raison, le visiteur croit à ce qu'il voit et, à mesure qu'il avance, hésite presque à pousser les portes : et si des gens habitaient là ? Dans le même temps, l'écomusée d'Ungersheim travaille à rendre sensibles les rapports entre ruralité et civilisation industrielle. Il tire parti pour cela de la proximité d'une mine de potasse fermée en 1976, dont ne fonctionne plus que la machine d'extraction, pour les visiteurs.
L'évolution même de l'écomusée est, depuis ses débuts, un spectacle offert au public. C'est là une nécessité, liée à la modestie de l'équipe. C'est également un choix : le remontage des maisons se fait quand le public est là, avec sa participation parfois, et l'enrichissement des savoir-faire provient aussi des visiteurs. Les acteurs ne sont donc pas des artisans comme les autres. Chacun est à certains moments animateur, mais seule la réalité de sa production donne leur authenticité à des gestes qu'il a fallu retrouver.
Le retour ordonné de ces gestes selon l'heure ou la saison est ce qui attire beaucoup de monde. On vient, on revient voir fonctionner la locomobile, l'alambic, la scie alternative de 1905, on aide à fabriquer le torchis, on assiste au montage d'une charpente, au tissage de la laine, au battage du seigle ou à la récolte du tabac, on fête les vendanges ou la Saint-Nicolas. Ces animations sont programmées par cycles dans des champs reconstitués aux abords des maisons. Si l'écomusée n'est pas un organisme d'étude ou de protection de la nature, une de ses maisons abrite le siège d'Alsace-Nature et celui du Conservatoire des sites alsaciens.[...]
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Écrit par
- Jack LIGOT : professeur agrégé de philosophie, ancien chargé de mission à la Direction des Musées de France
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-
MUSÉES DE SOCIÉTÉ
- Écrit par Jack LIGOT
- 1 581 mots
Dans l'élan de 1991, celui de l'écomusée d'Ungersheim et d'une politique culturelle à volonté sociale, l'expression musée de société a permis de surmonter des frontières d'école et de mettre l'accent sur une démarche commune. Seules deux catégories restent d'emblée hors...