ÉCONOMIE CIRCULAIRE
Les systèmes de production et de consommation dits linéaires, consistant à extraire, fabriquer, consommer et jeter, engendrent l’exploitation des ressources naturelles de façon si intensive qu’ils contribuent étroitement au réchauffement climatique, à la diminution de la biodiversité et à l’appauvrissement des sols, avec des conséquences qui peuvent devenir irréparables pour la survie de l’homme.
Cette constatation a conduit à la remise en question de ce système et à l’émergence de l’économie circulaire à la fin des années 1980 pour tenter d’inscrire nos modèles de production et de consommation dans les limites planétaires, de façon volontariste, selon une plus grande sobriété en ressources et en énergie.
L’Anthropocène et les limites planétaires comme cadre de l’économie circulaire
Un contrepoint à l’économie linéaire
L’industrie textile illustre très bien la logique linéaire et ses effets néfastes : le coton utilisé est à 97 p. 100 issu de matière vierge, 1 p. 100 seulement provenant de textile recyclé et 2 p. 100 de coton recyclé issu d’autres industries ; sa production occupe une grande partie des sols cultivables, requiert beaucoup d’eau et de pesticides, tandis qu’en fin de cycle, 87 p. 100 des fibres sont mises en décharge ou incinérées. Non seulement ce modèle entretient un gaspillage important, mais il génère des impacts environnementaux qui mettent en cause sa viabilité à long terme alors que certaines limites planétaires sont déjà atteintes ou dépassées.
Ce constat n’est pas nouveau. Le premier rapport du Club de Rome, publié en 1972, associait déjà la poursuite de la croissance économique à une chute de la population mondiale au xxie siècle, causée justement par la pollution, l’appauvrissement des sols cultivables et la raréfaction des ressources énergétiques. Entre 1983 et 1987, la Commission mondiale sur l’environnement et le développement, dirigée par la Première ministre norvégienne Gro Harlem Brundtland, avait contribué à promouvoir le concept de « développement durable » pour tenter de satisfaire les besoins des consommateurs actuels sans compromettre ceux des générations futures en limitant l’exploitation des ressources naturelles. En 2000, le prix Nobel de chimie Paul Crutzen a proposé le concept d'Anthropocène, autrement dit « âge de l’homme », pour sensibiliser la société à ces changements environnementaux créés par les activités humaines, de grande ampleur, systémiques et irréversibles.
Des sources et des champs d’application multiples
Le paradigme de l’économie circulaire, qui s’inscrit dans ce contexte de l’Anthropocène, repose sur une série de réflexions menées à partir des années 1970 dans plusieurs domaines scientifiques, et sur des applications pratiques pionnières.
Dès 1966, dans The Economics of the ComingSpaceshipEarth, l’économiste Kenneth Boulding défend la nécessité de systèmes circulaires pour permettre la vie humaine sur Terre à long terme.
En 1971, Nicholas Georgescu-Roegen rappelle le second principe de la thermodynamique suivant lequel l’énergie d’un système fermé tend à la dégradation thermique et le fait que la production matérielle ne peut s’accroître indéfiniment dans un monde où l’énergie et les matières premières sont limitées. Au-delà de la thermodynamique, le mathématicien et économiste proposait un « quatrième principe » selon lequel la matière, au fur et à mesure de ses utilisations, se dégrade aussi – comme l’énergie – de façon inéluctable. Ce principe continue de faire l’objet de controverses, mais il semble à première vue confirmé par les limites observées lors des recyclages successifs de certaines matières.
Les économistes David W. Pearce et Robert K. Turner s’inspirent de la réflexion de Georgescu-Roegen pour démontrer les limites des systèmes[...]
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Écrit par
- Cécile EZVAN : docteure en philosophie, diplômée de l'École supérieure de commerce de Paris, chercheuse associée à l'ESCP Business School (chaire économie circulaire)
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Médias
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