ÉCONOMIE CIRCULAIRE
Les enjeux économiques, institutionnels et sociaux d’un changement d’échelle
Vers une société circulaire
Le passage des modèles linéaires aux modèles circulaires ne va pas de soi. Il s’agit d’un radical changement de paradigme qui se fait par étapes. Le premier stade micro-circulaire, à l’échelle d’une entreprise ou d’une gamme de produits, permet de développer des « outils utiles ». Il présente néanmoins plusieurs risques et en particulier celui d’un « effet rebond », qui voit croître la production de déchets à cause d’une augmentation de la consommation alors que l’on espérait qu’elle soit compensée par le recyclage, et celui d’une « captation des déchets » à forte plus-value (plastique facilement recyclable, métaux précieux) par des entreprises qui freinent ensuite la réduction des déchets. Le cas de la consigne des bouteilles en plastique, qui a fait débat lors de l’adoption de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, illustre bien ce dernier risque : la consigne vise l’amélioration du taux de recyclage des bouteilles en polyéthylène téréphtalate (PET), mais en privatisant la récupération d’une matière plastique facile à trier et à recycler (pour un prix de revente autour de 200 euros/tonne), le dispositif risque de contribuer à créer un marché favorable au maintien de ce genre d’emballage, alors même qu’il s’agit d’en réduire drastiquement l’usage pour limiter la pollution plastique.
Le second stade, au moins à l’échelle d’un territoire, est structuré par la réduction des flux de matière première, donc la mise en œuvre de mesures permettant de réduire effectivement les flux de matières et d’énergie en deçà des limites planétaires, en développant l’agroécologie, la dématérialisation, la décarbonation et l’économie de la fonctionnalité. Pour étendre ce type de démarche d’un petit territoire jusqu’à une échelle globale, des mesures d’incitation et de contrainte institutionnelles, fiscales ou juridiques sont nécessaires.
Le rôle décisif de la régulation
Le plan d’action de l’Union européenne, initié en 2015 à partir des travaux de la Plateforme européenne sur l’utilisation efficace des ressources, visait à optimiser la gestion des déchets (en recyclant davantage et en incinérant moins) plus qu’à les réduire. En France, la loi de 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) a inscrit l’économie circulaire dans le Code de l’environnement, défini le délit de tromperie pour obsolescence programmée et favorisé la transition circulaire dans le secteur du réemploi. Le projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, adopté par l’Assemblée nationale en 2020, a proposé plusieurs actions concrètes dans différentes filières : l’information des consommateurs, la suppression du plastique à usage unique à partir de 2022et la fin des dérogations dont bénéficiaient les « bioplastiques ». Malgré tout, elle s’inscrit plutôt dans une logique de stabilisation des outils à l’échelle d’une filière et pas encore dans une logique de réduction à une échelle plus globale. Certaines mesures qui permettraient de réduire davantage la production et la consommation de matière, comme l’avancement de l’échéance pour la fin du plastique à usage unique par exemple, ne sont pas intégrées. La régulation est souvent un levier déterminant pour faire évoluer les pratiques des entreprises comme des consommateurs et intégrer ce nouveau paradigme. Le succès des modèles circulaires est en effet conditionné par des facteurs culturels et tient notamment à leur capacité à être compris et adoptés par le plus grand nombre. C’est pour cela que les actions collectives engagées, pour sensibiliser et agir, par des associations comme Halte à l’obsolescence programmée (HOP)[...]
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Écrit par
- Cécile EZVAN : docteure en philosophie, diplômée de l'École supérieure de commerce de Paris, chercheuse associée à l'ESCP Business School (chaire économie circulaire)
Classification
Médias
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