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SERVICES ÉCONOMIE DE

« Rien ne sera moins industriel que la civilisation issue de la révolution industrielle ». Cette prévision pouvait paraître hasardeuse et paradoxale lorsqu'elle fut formulée par Jean Fourastié dans Le Grand Espoir du XXe siècle (1949) au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Elle allait directement à l'encontre des vues de Karl Marx au siècle précédent, pour qui l'expansion du capitalisme devait s'identifier au triomphe de la grande firme industrielle et à la généralisation des rapports de production qui la caractérisent. Mais elle a été largement confirmée par l'évolution des cinquante dernières années, marquée par la part croissante du secteur tertiaire dans l'emploi et le revenu national des économies avancées, par l'importance croissante de la demande de services personnels, de services collectifs et de services aux entreprises, par la prépondérance de plus en plus affirmée des fonctions de gestion, de programmation et de recherche-développement par rapport aux tâches de production directe, et par le rôle déterminant reconnu à l'investissement immatériel.

Le concept d'économie de services s'inscrit dans le prolongement des analyses de la répartition sectorielle de l'activité économique entre le primaire (l'agriculture), le secondaire (l'industrie) et le tertiaire (tout le reste) développées par Allan G. B. Fischer, Colin Clark, Jean Fourastié et Simon Kuznets. L'ensemble des activités de services recouvre bien en première approche ce que l'on inclut d'ordinaire dans le secteur tertiaire : transports, commerce, services marchands aux ménages et aux entreprises, services de santé, d'enseignement et de recherche. Mais la référence à une économie de services se distingue par la volonté de passer d'une définition purement résiduelle du secteur tertiaire (ce qui ne relève ni de l'agriculture ni de l'industrie) à une caractérisation positive de ce qui fait la spécificité des services ; et, à cet égard, la nature immatérielle du produit importe moins en elle-même que l'existence d'une relation de service introduisant un lien personnel entre le prestataire et l'usager, et qui conditionne le plus souvent l'efficacité de la prestation. L'opposition est en principe très claire avec la production industrielle standardisée en grande série ; sa signification, toutefois, ne doit pas être exagérée, compte tenu de l'importance croissante pour plusieurs industries des impératifs d'adaptation à la demande et de différenciation qualitative (tandis que l'« industrialisation » de certains services exerce parfois son influence en sens inverse). Il n'existe pas non plus de coupure tranchée entre les différents secteurs du point de vue des tendances de l'emploi par grandes catégories professionnelles : la montée des « cols blancs » (cadres, techniciens, employés) s'effectue aussi bien au sein des entreprises industrielles que dans le cadre de l'expansion du tertiaire. Entre le recours par une firme industrielle aux services de consultants extérieurs, par exemple en informatique ou en gestion, et le développement de ses propres services internes qui constituent leurs interlocuteurs naturels et sont appelés à remplir des fonctions analogues, il existe des relations de complémentarité évidentes, et toute tentative de décompte entre emplois secondaires et tertiaires devient pour le moins arbitraire. Il y aura donc lieu, pour saisir dans sa complexité le cheminement vers l'économie de services, de combiner l'approche sectorielle (le découpage traditionnel en trois secteurs) avec des approches de type transversal (la place croissante des services par rapport à l'activité matérielle de production), ou même global, puisque les services sont aujourd'hui au cœur des processus[...]

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Écrit par

  • : correspondant de l'Institut, professeur émérite à l'université de Bordeaux-IV-Montesquieu

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