SERVICES ÉCONOMIE DE
Les dynamiques de la croissance en économie de services
Longtemps, la diminution du nombre des agriculteurs est demeurée – notamment en France, jusqu'aux années 1940 – un sujet d'inquiétude et un thème de déplorations passéistes, alors qu'elle apparaît rétrospectivement comme une composante inévitable du processus d'industrialisation. Aujourd'hui, les sociétés occidentales se trouvent confrontées à tous les problèmes de la désindustrialisation. Faut-il considérer le déplacement actuel de l'emploi vers le secteur tertiaire comme une dimension normale du passage à une économie de services, aussi normale que le déplacement du primaire vers le secondaire au stade de l'industrialisation ? Le réconfort qu'on peut tirer d'un tel rapprochement est tout relatif : l'industrie et les services ont une position manifestement dissymétrique à l'égard du dynamisme de la croissance. La conception d'un tarissement progressif des sources de la croissance par l'expansion du secteur tertiaire a prévalu jusqu'à la révolution informatique. Elle est remise en cause – mais jusqu'à quel point précisément ? – par les évolutions récentes.
Le modèle de base : « envahissement » par le tertiaire et épuisement de la croissance
Un modèle simple, commun à des auteurs dont les vues peuvent différer à d'autres égards (Jean Fourastié, William Baumol, Daniel Bell), synthétise la conception dominante des relations réciproques entre croissance économique et développement du tertiaire. Il repose sur deux prémisses :
– les gains de productivité au sein du secteur tertiaire sont inexistants ou faibles au regard de ceux du secondaire ou même du primaire ;
– la demande finale de services augmente sous l'effet de la croissance des revenus réels et de la saturation relative des besoins primaires (alimentaires) puis secondaires (biens manufacturés), conformément aux lois d'Engel.
L'analyse conduit à dégager trois tendances majeures :
1. La hausse à long terme du prix relatif des services par rapport aux produits industriels et agricoles reflète l'écart intersectoriel des gains de productivité (les salaires augmentent dans le tertiaire comme dans les autres secteurs, sans qu'il y ait compensation par la croissance de la productivité). Autrement dit, le pouvoir d'achat du salaire moyen augmente beaucoup moins vite en termes de services qu'en termes de biens ; ou encore le prix réel des services (au sens de Jean Fourastié, c'est-à-dire leur coût en temps de travail non qualifié) varie peu, alors que celui des biens, notamment des biens manufacturés, ne cesse de diminuer dans les pays industriels. Du point de vue international, le prix réel des services est à peu près le même dans les pays avancés et dans les pays faiblement développés, alors que la baisse du prix réel (et du prix relatif) des produits manufacturés confère aux pays avancés un avantage de compétitivité pour les exportations industrielles, sans équivalent pour les services.
2. Les achats de services constituent une part croissante de la demande finale des ménages, alors que la part des biens agricoles et industriels décroît. La part des activités de services dans l'emploi total, compte tenu de la faible croissance de leur productivité, augmente donc corrélativement. L'expansion des services collectifs (que l'on peut également considérer comme des biens supérieurs) exerce son influence dans le même sens.
3. L'accroissement du poids relatif du secteur tertiaire – à faibles gains de productivité, par hypothèse – au détriment des secteurs à forts gains de productivité tend à freiner constamment la croissance de l'économie nationale par un « effet de structure » (c'est-à-dire indépendamment de tout ralentissement de la croissance de la productivité au sein de chaque secteur pris[...]
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Écrit par
- Jean-Charles ASSELAIN : correspondant de l'Institut, professeur émérite à l'université de Bordeaux-IV-Montesquieu
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