SERVICES ÉCONOMIE DE
Les enjeux sociaux de l'économie de services
La prépondérance de l'emploi tertiaire ne cesse de s'affirmer dans tous les pays dits industriels. Mais son expansion d'ensemble recouvre des évolutions à long terme très différenciées : alors que la part des services de distribution (transports, poste et télécommunications, commerce) est à peu près stable, et celle des services personnels en recul global (du fait de la chute des emplois de domestiques), les services collectifs (santé, enseignement, administration) sont ceux qui enregistrent la progression la plus forte au long du xxe siècle, y compris aux États-Unis où ils passent en tête vers 1980 ; les services aux entreprises sont aussi en croissance accélérée à la fin du xxe siècle, mais les activités les plus emblématiques de cette accélération (expertise, conseil) ne concernent encore que des effectifs limités. Le passage à une économie de services comporte cependant aussi des enjeux sociaux de nature « transversale », impliquant tous les secteurs de l'économie, comme l'affirmation des exigences de flexibilité et le risque d'un dualisme social aggravé. Malgré certaines tendances communes, des évolutions diversifiées ont donné naissance à différents modèles nationaux, expression de choix de société fortement contrastés.
La montée des services collectifs : l'exemple de l'enseignement de masse
Les services collectifs méritent une attention particulière non seulement en raison de leur forte croissance et de leur poids élevé dans l’ensemble des effectifs du tertiaire, mais aussi parce qu'ils sont représentatifs à divers égards des caractéristiques et tendances de l'emploi tertiaire : féminisation croissante (essentiellement axée d'ailleurs sur des activités depuis longtemps déjà à fort taux d'emploi féminin), forte proportion de diplômés et d'emplois qualifiés. L'enseignement et le secteur de la santé illustrent bien également la nature des relations de service, c'est-à-dire un type d'activité où les résultats dépendent au premier chef d'une relation directe et personnelle entre le prestataire de services et le bénéficiaire. Ces services collectifs, malgré la prépondérance du financement public, n'échappent pas à la concurrence entre le privé et le public, pas plus qu'à la recherche de flexibilité et d'économies par l'emploi de vacataires, exclus de la plupart des garanties sociales, comme les intérimaires de l'industrie ou du commerce. La frontière mouvante entre secteur marchand et secteur non marchand représente un enjeu social particulièrement évident dans le cas des services médicaux et hospitaliers. Plus encore cependant que le domaine de la santé, où l'allongement de la durée de vie apparaît comme le principal résultat (en même temps que le principal facteur d'alourdissement des coûts), l'éducation se situe au point nodal du fonctionnement de l'économie de services et de ses problèmes.
L'avènement d'un enseignement de masse ne saurait être présenté comme une rupture entre la société industrielle et la société postindustrielle. Il s'inscrit dans la continuité d'évolutions engagées au moins depuis le xixe siècle : progrès continu et irréversible des taux de scolarisation à tous les niveaux, flux croissant de publications scientifiques, promotions de plus en plus nombreuses d'ingénieurs remplissant des rôles diversifiés, institutionnalisation de la recherche-développement, de sorte que l'innovation industrielle devient de plus en plus systématique et dégagée des aléas individuels. Mais un véritable changement d'échelle est survenu après 1945, même dans les pays déjà les plus avancés, comme les États-Unis : l'accélération se manifeste par l'accroissement des moyens attribués à l'enseignement et à la recherche (en[...]
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Écrit par
- Jean-Charles ASSELAIN : correspondant de l'Institut, professeur émérite à l'université de Bordeaux-IV-Montesquieu
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