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ÉCONOMIE (Définition et nature) Enseignement de l'économie

L'éclosion des chaires d'économie

L'année 1871 va marquer une rupture. À trois titres. En Angleterre, William Stanley Jevons publie sa Théorie de l'économie politique, où l'essentiel de son propos est assis sur des raisonnements mathématiques. Depuis un an, un Français, Léon Walras, enseigne à Lausanne une économie dont il a trouvé la substance dans les écrits d'Antoine Augustin Cournot, un ancien ami de son père qui a utilisé le calcul différentiel pour analyser les marchés non concurrentiels. Walras a l'idée de reprendre le raisonnement économique à la base en s'appuyant sur un usage systématique des mathématiques, pour lui donner une scientificité qui ne soit pas que de façade. S'il connaît Cournot, il ignore encore qui est Jevons dont il traduira l'œuvre en 1909, mais il s'inscrit comme lui dans un mouvement qui tend à vouloir donner une nouvelle lecture de l'économie. Néanmoins, il enseigne en Suisse car ses convictions socialistes – même s'il est rigoureusement antimarxiste – le rendent suspect.

Deuxième rupture : la défaite face à la Prusse convainc les Français de leur faiblesse dans la formation de leurs élites. Les humanités classiques ont du bon, mais elles ne permettent pas une évolution rapide de la société. De même que Say a créé une école pour former les entrepreneurs de la révolution industrielle, de même la France vaincue de l'après-traité de Francfort veut créer une école pour former les administrateurs d'un État puissant, capable de mener à bien la revanche. Ainsi naît l'École libre des sciences politiques. Paul Leroy-Beaulieu est un de ses fondateurs. Gendre de Michel Chevalier, il a une formation littéraire. Il a étudié à Bonn en Allemagne et en est revenu avec la conviction qu'il faut remodeler l'enseignement de l'économie pour lui donner un tour à la fois plus pratique et plus idéologique. Il crée un cours d'économie à l'École libre des sciences politiques pour lequel il s'adjoint des spécialistes en statistiques ou en économie quantitative ; son cours demeure toutefois très littéraire et axé sur deux sujets qui lui tiennent à cœur, la démographie et la gestion des finances publiques. Dans la tradition du « caméralisme allemand », il s'adresse à de futurs hauts fonctionnaires et souhaite leur donner avant tout un cours de politique économique. Il est rejoint par Clément Juglar, un médecin qui s'est passionné pour la statistique et qui est devenu célèbre en élaborant une théorie du cycle économique. Leroy-Beaulieu, l'anti-Walras, tient alors le haut du pavé et c'est lui qui succède à Chevalier au Collège de France.

Troisième rupture : les professeurs de droit sont mécontents, en ce début de la IIIe République. En effet, le nombre d'étudiants s'accroît régulièrement et ils ont la conviction que la France prépare par cette inflation de juristes une cohorte d'avocats sans cause. Ils demandent une ouverture de leur enseignement. Déjà envisagée par Victor Duruy, le ministre de l'Éducation de Napoléon III, celle-ci est décidée en 1877, avec la création au sein des facultés de droit d'un enseignement d'économie spécifique. Douze facultés voient ainsi apparaître une nouvelle chaire, celle d'économie politique. À l'origine du mouvement, il y a un professeur de droit que le droit intéresse peu, un esprit original qui s'est lié avec Walras, même s'il n'est pas dans ses intentions de le suivre dans son plaidoyer pour le recours aux mathématiques. Il s'agit de Charles Gide (1847-1932). Fondateur de la chaire d'économie de Bordeaux, ce natif d'Uzès, dans le Gard, rejoint rapidement la faculté de Montpellier. Il s'investit dans la définition des nouveaux cours et s'efforce de structurer l'enseignement[...]

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