- 1. Les réticences historiques de la France face à l'économie politique
- 2. L'influence de Jean-Baptiste Say
- 3. L'organisation lente et fragmentaire de la discipline
- 4. L'éclosion des chaires d'économie
- 5. La mathématisation de l'économie
- 6. L'institutionnalisation de la recherche en économie
- 7. Bibliographie
ÉCONOMIE (Définition et nature) Enseignement de l'économie
La mathématisation de l'économie
La mathématisation de l'économie en France est d'abord ignorée par le monde universitaire. Si le disciple favori de Walras, Albert Aupetit, a fait des études de droit, il ne connaît guère de succès et Walras ne trouve un écho que chez quelques enseignants en école d'ingénieur.
Après l'École des ponts, l'École centrale crée en 1854 un cours d'économie. Mais il s'agit plutôt d'un cours de géographie qui, en outre, met un certain temps avant de prendre de l'épaisseur.
L'École des ponts étant une école d'application de l'École polytechnique, c'est-à-dire une école où se rendent les polytechniciens ayant choisi les corps de l'administration pour parfaire leur formation, l'autre grande école d'application qu'est l'École des mines décide assez rapidement de se doter d'un enseignement d'économie. Elle le confie à Émile Cheysson (1836-1910). Ce polytechnicien ingénieur des Ponts enseigne déjà à Sciences po. Disciple et collaborateur de Frédéric Le Play, il est partisan d'une approche empirique de l'économie, fondée sur la statistique. Pour lui, l'économie ne doit pas se limiter à des raisonnements abstraits sur la consommation, l'épargne ou la concurrence mais se doit de rechercher une vérification de ce que l'on avance par la quantification de l'histoire. Il tente donc d'imposer les mathématiques, mais comme outil de mesure plus que comme outil de formalisation. Il s'inspire d'Edgeworth qui, depuis sa chaire d'Oxford, publie de nombreux articles sur la politique économique et sur la théorie néo-classique construite par Walras, Jevons et Marshall, mais qui fait également considérablement progresser la théorie statistique.
L'École polytechnique crée son cours d'économie en 1904. Il est assuré à partir de 1914 par Clément Colson. Polytechnicien-ingénieur des Ponts, Colson commence sa carrière d'enseignant à H.E.C. en 1885. Il professe un cours qui incorpore les idées néo-classiques mais qui reste assez peu formalisé sur le plan mathématique. Entre-temps, Walras, qui est mort en 1910, a continué de vitupérer contre le système d'enseignement de l'économie, qu'il qualifie « d'exploitation en monopole au profit de la classe dirigeante à l'enseigne de la liberté ».
Dans l'entre-deux-guerres, le système semble se stabiliser. Alors que les universités britanniques et américaines commencent à envisager de monter des laboratoires d'économie, en France l'idée que l'économie puisse faire l'objet d'une recherche scientifique de la même nature que la physique reste une idée saugrenue. En outre, l'économie voit se développer les éléments de mesure à travers une élaboration poussée de la statistique. En 1930, le Norvégien Ragnar Frisch invente le mot économétrie et fonde la Société d'économétrie, futur vivier de Prix Nobel d'économie (lui-même sera le premier à obtenir cette distinction en 1969).. François Divisia, ancien élève de Colson, crée le premier enseignement d'économétrie juste avant guerre. La mutation la plus sensible est l'évolution des concours d'accès à la haute fonction publique. L'Inspection des finances essaie de briser le monopole de l'École libre des sciences politiques et introduit des mathématiques à son concours. Une série de polytechniciens la rejoignent alors, dont le plus célèbre est Jacques Rueff..
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Écrit par
- Jean-Marc DANIEL : professeur émérite de sciences économiques, ESCP Europe
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