ÉCONOMIE (Histoire de la pensée économique) École de la régulation
La finance au cœur d'un régime nouveau d'accumulation
Au cours des années 1980 et 1990 qui, avec la globalisation des échanges et de la finance, ont vu s'affirmer des changements considérables, les théoriciens de la régulation se sont attachés à identifier et à décrire le régime d'accumulation qui a succédé au fordisme.
Ces recherches ont conduit à soutenir la thèse que ce nouveau régime est « tiré par la finance ». Les investisseurs institutionnels (fonds de pension, assurances, etc.) sont au centre du nouveau régime. Leur pouvoir vient de ce qu'ils concentrent et centralisent entre leurs mains une immense masse de capital, dont une partie essentielle est constituée par l'épargne des salariés.
Opérant dans un univers fortement déréglementé et libéralisé, ces acteurs nouveaux, via les réformes de la gouvernance d'entreprise (donnant un pouvoir clé aux actionnaires), exercent un effet de domination sur l'ensemble de l'évolution économique. Leur influence est majeure tant sur la destination de l'investissement que sur le partage de la valeur créée.
Si ce nouveau régime d'accumulation n'apparaît comme pleinement développé qu'aux États-Unis, le nouveau pouvoir de la finance s'étend à l'ensemble de la planète. Il revêt une dimension inédite, celle de la mondialisation du capital, dont la crise des subprimes (2007), la faillite de la banque Lehman Brothers (2008) et leurs conséquences ont témoigné avec fracas. La gestion de la finance et de la monnaie, dans un univers globalisé, constitue désormais la forme institutionnelle centrale autour de laquelle s'organisent les régulations essentielles.
Ces réflexions menées sur la finance, en tant que ressort du nouveau régime d'accumulation, ont permis un approfondissement de la méthodologie. L'accent est mis désormais non plus sur la notion de formes institutionnelles ou sur l'évaluation statique de leurs combinaisons, mais sur l'effet dynamique qu'exerce la complémentarité de certaines formes entre elles.
Ces complémentarités expliquent la persistance au cours du temps de formes spécifiques du capitalisme et, finalement, la variété des capitalismes eux-mêmes. Dans le cas du nouveau régime, ce sont les complémentarités établies entre les formes prises par la déréglementation financière permettant la concentration de l'épargne entre les mains des investisseurs institutionnels d'un côté, les formes de la gouvernance d'entreprise donnant un fort pouvoir de contrôle aux actionnaires minoritaires de l'autre qui sont à l'origine du nouveau pouvoir de la finance. Mais, comme ces formes diffèrent de pays à pays (en Allemagne ou aux États-Unis, par exemple, le poids de la finance libéralisée dans la gouvernance des entreprises est bien différent), ceux-ci suivent des « trajectoires » chaque fois singulières.
Tout en affrontant les changements qui ont affecté l'économie réelle, l'école de la régulation s'est développée en affirmant toujours plus nettement son double ancrage historique (au cours du temps se succèdent des régimes d'accumulation et des modes de régulation distincts les uns des autres) et institutionnaliste (les formes sociales qui sous-tendent l'échange déterminent le sens des évolutions).
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Écrit par
- Benjamin CORIAT : professeur de sciences économiques à l'université de Paris-Nord
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