ÉCONOMIE (Histoire de la pensée économique) Keynésianisme
John Maynard Keynes n'a jamais cessé de souligner que le libre jeu des marchés et de la concurrence ne conduit pas forcément à une situation économique satisfaisante (voir par exemple l'article « The End of Laissez-faire », publié en 1926). Les conceptions keynésiennes de la politique économique sont fondées sur ce principe premier. Elles se distinguent cependant des autres doctrines favorables à l'intervention de l'État, car elles insistent plus particulièrement sur les politiques conjoncturelles dont la vocation est d'agir sur les déterminants de court terme de la croissance et du chômage.
Le keynésianisme théorique est beaucoup plus difficile à définir, car il est traversé de multiples courants revendiquant plus ou moins explicitement l'héritage intellectuel de Keynes. On peut néanmoins considérer qu'une théorie est keynésienne si elle défend au moins l'un des trois résultats suivants : 1) L'économie peut se trouver en situation de blocage dans des régimes où la demande globale est insuffisante ; 2) Le chômage de masse est essentiellement un chômage involontaire (les chômeurs seraient prêts à travailler pour un salaire inférieur ou égal au salaire actuellement versé à ceux qui ont un emploi) ; 3) La monnaie joue un rôle essentiel dans les ajustements macroéconomiques.
Pour bien comprendre ces différents aspects du keynésianisme, il est tout d'abord nécessaire de saisir l'ambition du projet initial de Keynes. Cela permettra de mieux apprécier ensuite dans quelle mesure les politiques et les théories économiques dites keynésiennes s'en sont inspirées.
Le projet de Keynes
L'immense influence de l'œuvre de Keynes tient sans doute à sa volonté très clairement affirmée de rompre avec les traditions de pensée antérieures. Il suggéra lui-même cette volonté de rupture en choisissant l'intitulé d'un cours donné à Cambridge en 1932, « La Théorie monétaire de la production », de manière à souligner à quel point il souhaitait que la monnaie fût placée au centre de l'analyse.
Prémisses : le rejet de l'analyse dichotomique
Cette ambition apparaît sans ambiguïté dès la publication en 1930 de son premier ouvrage théorique majeur, le Traité sur la monnaie. Son objectif principal est alors de démontrer que la « théorie quantitative de la monnaie » (T.Q.M.) n'est pas une bonne approche de la détermination du niveau général des prix. Ce dernier est le rapport d'échange entre la quantité de monnaie en circulation et l'ensemble des biens et services. Il ne doit pas être confondu avec les prix relatifs, qui sont les rapports d'échange des biens et services entre eux.
La T.Q.M. affirme que les quantités produites et échangées dépendent uniquement des techniques de production et des préférences des agents économiques. La monnaie n'a d'influence que sur le niveau général des prix. La démonstration de ces assertions repose sur une égalité comptable : dans une économie donnée, au cours d'un intervalle de temps donné, la valeur des moyens de paiements activés est égale à la valeur des transactions effectuées (MV = PT). La valeur des moyens de paiements activés est la quantité de monnaie disponible (M) multipliée par la « vitesse de circulation de la monnaie » (V). Cette dernière correspond au nombre de paiements que la monnaie disponible permet d'effectuer au cours de la période de temps considérée. La valeur des transactions est égale au volume des transactions effectuées (T) multiplié par le niveau général des prix (P). Les partisans de la théorie quantitative considèrent que la vitesse de circulation de la monnaie est une constante naturelle indépendante des ajustements économiques. Ils considèrent aussi que la quantité de monnaie est une variable entièrement exogène. Ils affirment enfin que le volume des transactions[...]
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Écrit par
- Olivier BROSSARD : professeur de sciences économiques à l'Institut d'études politiques de Toulouse
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- 3 979 mots
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