ÉCONOMIE (Histoire de la pensée économique) Keynésianisme
Le keynésianisme radical
La N.E.K. est aujourd'hui sans conteste la version la plus communément acceptée du keynésianisme théorique, mais sa relation avec la pensée de Keynes n'est pas exempte d'ambiguïtés. En effet, Keynes a très souvent exprimé son scepticisme à l'égard de certaines des hypothèses qui sont aujourd'hui retenues par la N.E.K.. Les principaux points de divergence entre la N.E.K. et l'approche originelle de Keynes sont les suivants : 1) Keynes considérait que l'incertitude économique ne peut pas être réduite à des aléas probabilisables ; 2) il refusait d'attribuer aux agents une rationalité purement calculatoire et insistait au contraire sur le caractère conventionnel de la prise de décision dans un contexte d'incertitude ; 3) il affirmait l'existence d'une asymétrie fondamentale entre les salariés et les entrepreneurs (Cartelier, 1995) ; 4) il refusait de réduire les mécanismes macroéconomiques à des comportements microéconomiques agrégés.
C'est pourquoi on s'est efforcé, dans diverses branches du keynésianisme, de formuler d'autres hypothèses.
La pensée cambridgienne
Même si le programme de recherche initié par Keynes semblait devoir se focaliser principalement sur les problèmes de court terme – comme le suggère sa fameuse phrase : « À long terme nous serons tous morts » –, une approche centrée sur les questions de croissance à long terme doit être rattachée au keynésianisme. Cette école de pensée, dont les protagonistes (Roy Harrod, Nicholas Kaldor, Luigi Pasinetti et Joan Robinson) enseignèrent à l'université anglaise de Cambridge, peut être caractérisée par un double credo. Premièrement, ses auteurs considèrent que la croissance de long terme est essentiellement un phénomène déséquilibré. Deuxièmement, ils s'efforcent de démontrer que le partage des revenus est un déterminant essentiel de l'évolution de la production, à long terme comme à court terme.
Le premier point fut mis en avant par Evsey Domar et Roy Harrod dans leurs modèles de croissance déséquilibrée. Ces auteurs montrent, en effet, que la croissance ne peut être compatible avec un équilibre entre la demande et l'offre globales que dans le cas très spécial où le taux de croissance de la population active est égal au rapport entre la propension globale à épargner et le coefficient de capital (rapport entre le stock de capital et la production). Domar et Harrod affirment que cette condition a très peu de chances de se réaliser et que le cas « keynésien » d'une demande croissant moins vite que l'offre est alors le plus probable.
La contre-attaque néo-classique a dès lors pris pour argument le caractère substituable des facteurs de production, qui entraîne que le coefficient de capital peut varier de manière à vérifier la condition précédente : les déséquilibres entre l'offre et la demande globales déclencheraient automatiquement des modifications dans le rapport salaire réel/taux d'intérêt réel ; cela entraînerait une substitution capital/travail permettant de retrouver l'équilibre.
Les cambridgiens répondent à cette argumentation par une double critique. Kaldor insiste, pour sa part, sur le fait que l'ajustement s'opère non pas par la modification du coefficient de capital, mais par la modification de la propension globale à épargner. Son argument se fonde sur l'idée que la propension à épargner des salariés est supérieure à celle des capitalistes, de sorte que la propension globale à épargner dépend de la répartition du revenu entre ces deux groupes sociaux. Il se peut alors que la réalisation d'une croissance équilibrée à long terme dépende de cette répartition.
L'autre critique s'est développée dans le cadre de la célèbre « controverse des deux Cambridge » sur la nature du capital[...]
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Écrit par
- Olivier BROSSARD : professeur de sciences économiques à l'Institut d'études politiques de Toulouse
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