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ÉCONOMIE (Histoire de la pensée économique) L'école classique

La question des crises économiques

La piste esquissée par Marx et précisée par Sraffa, conduit à mettre l'accent sur la théorie ricardienne, Adam Smith apparaissant comme un précurseur moins profond de Ricardo. Entre les analyses de Smith et celles de Ricardo apparaissent néanmoins de sérieuses divergences, que l'approche keynésienne aura permis de préciser, concernant les crises économiques et le rôle de la loi de Say.

Le point de départ de la Richesse des nations est bien connu. Smith montre que l'enrichissement est le résultat des progrès dans la division du travail. Plus les quantités produites sont importantes, plus la division du travail est perfectionnée et plus la productivité du travail augmente. L'« étendue du marché » est ce qui, à un instant donné, détermine la division du travail, constituant ainsi le seul facteur limitatif en matière d'enrichissement. Pour Ricardo, le facteur limitatif de l'enrichissement est différent, puisqu'il s'agit de la « quantité de capital » disponible. Cette différence d'approche est essentielle. Elle transparaît dans la théorie des crises économiques.

Une crise économique traduit, dans tous les cas, un « excès de capital ». Cependant, dans la Richesse des nations, cet « excès de capital » se manifeste de deux façons. Dans un premier sens, il ne s'agit pas de crise économique. Cet excès de capital caractérise, bien au contraire, le « progrès ordinaire de l'opulence » (livre II, chapitre 5). Selon Smith, le capital suit un développement séquentiel. Dans une première étape, il est investi dans le secteur agricole, puis devenant excédentaire, il est investi dans les « manufactures » et enfin dans le « commerce lointain ». C'est pourquoi Smith considère que les colonies constituent une extension du marché bénéfique tant à la métropole qu'aux colonies, du moins dans la mesure où celles-ci ne sont pas opprimées par l'exclusif colonial. Ce dernier, en revanche, est une perte tant pour la métropole que pour les colonies.

Dans un second sens, en revanche, l'excès de capital peut conduire à une crise économique. Sa possibilité apparaît lorsque Smith traite de la monnaie bancaire dont il considère l'usage comme précieux mais dangereux. En effet, les banques ont pour objet de prêter de la monnaie, c'est-à-dire de remplacer l'or (coûteux) par le papier monnaie (qui ne coûte rien) en assurant la trésorerie de leurs clients. Or ceux-ci sont de trois types : les « hommes sobres » qui empruntent de la monnaie, les « prodigues » qui empruntent du revenu (ils dépensent plus qu'ils ne le peuvent), et surtout les « faiseurs de projets » qui empruntent du capital (ils investissent plus que leur épargne ne leur permet). Si ces derniers l'emportent, et ils le peuvent facilement, l'investissement est alors supérieur à l'épargne. En effet, Smith est conscient de la propagation (par voie d'imitation) des phénomènes spéculatifs. La conséquence inéluctable qui en résulte alors est la panique et la crise financière, telle celle que subirent les banques écossaises dans les années 1760.

Or les banquiers ne peuvent distinguer entre ces trois types d'emprunteurs. Pour exclure les prodigues et les faiseurs de projets du marché du crédit, Smith est partisan d'un rationnement de ce dernier. Il défend donc l'existence d'un taux d'intérêt légal fixé aussi près que possible du « taux ordinaire des profits », comme c'est le cas d'ailleurs à l'époque en Grande-Bretagne. Cette intervention massive de l'État au cœur du système financier est, en outre, jugée nécessaire mais pas suffisante pour empêcher les détresses financières qui peuvent emporter une place financière.

La possibilité d'un « excès de capital » est l'une des grandes[...]

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Écrit par

  • : professeur des Universités, directeur du pôle d'histoire de l'analyse et des représentations économiques (C.N.R.S., universités de Paris-X et Paris-I)

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Médias

Karl Marx - crédits : Courtesy of the trustees of the British Museum

Karl Marx

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David Ricardo

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